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 »Le HCA doit prendre en considération les observations »

La Dépêche de Kabylie : On a constaté l’absence de plusieurs écrivains confirmés à ce salon. Pourquoi selon vous ne viennent-ils pas à ce genre de rendez-vous ?ll Brahim Tazaghart : L’écriture en tamazight, comme le livre amazigh s’installent de plus en plus sur la scène culturelle algérienne, lentement, mais à une cadence régulière. La nouveauté relative de ce fait, l’absence de traditions, que ce soit dans l’écriture proprement dite que dans la prise en charge de la production de celle-ci et de sa diffusion, fait que, dans le but de permettre une valorisation de cette production et de mettre les possibilités de rencontres et de débats entre les auteurs, les producteurs du livre, les critiques et les lectures, des initiatives commencent à s’installer dans le temps. C’est dans cet esprit que je suis là, à Oran, pour participer au 3e salon du livre amazigh, qu’organise le HCA en collaboration avec la dynamique association Numidia. S’agissant de l’absence de Mezdad, Ait Ighil, Zénia et autres, je ne peux pas m’exprimer à leur place, ni même émettre des hypothèses pour leurs absence. Seulement, et c’est le plus important à mon sens, les organisateurs doivent prendre en compte un certain nombres d’observations relevées pour pouvoir apporter les correctifs nécessaires pour une meilleure réussite des rencontres à venir. Et parmi ces observations, l’absence de ces amis.

La majorité des livres exposés au salon sont édités par le Haut commissariat à l’amazighité, mais selon des universitaires des départements de langue et culture amazighes de Bgayet, de Tizi Ouzou et de l’INALCO, ils sont de piètre qualité, est-ce votre avis ?ll De quelle qualité s’agit-il ? De la qualité littéraire des textes publiés ? De la qualité de l’impression ou de la conception technique ? Du respect des recommandations dans l’écriture de la langue ? En effet, votre question réclame une bonne étude de tous les textes publiés dans le cadre de la collection Idlisen-nnegh. Cette étude doit être réalisée par les universitaires et les praticiens de la langue, transmises à l’institution en charge de cette opération et publiées, pourquoi pas, dans votre journal ou dans un autre. Il s’agit de mettre le doigt correctement sur les manques pour pouvoir les dépasser, sinon la critique émise ne sera pas de l’ordre de la critique objective, mais d’un tout autre ordre. Ceci dit, il est indéniable que des manques sont constatés dans ces publications. J’espère que la mise en place d’un comité de lecture dont la composante doit être connue, viendra à bout de ces carences.

Quel est selon vous l’apport d’un tel salon pour la promotion du livre amazigh ? ll Toute rencontre qui a comme objet la promotion de la langue et de la culture amazighes est bénéfique, car nous manquons énormément d’espaces et de cadres pour la promotion de tamazight. Le Salon du livre amazigh institué par la direction de la promotion culturelle du HCA est à mon sens une expression de cet effort nécessaire de spécialisation dans la prise en charge de cette culture. Il était temps de penser comment développer tamazight et au détail de cette entreprise. Le livre est à la base de la nouvelle littérature amazigh, il constituera d’ici quelques temps le soubassement de toute notre culture. C’est à partir du livre que la production artistique pourra trouver l’élan pour un autre départ, car le départ, comme toute chose, se renouvelle à chaque moment de la vie. Un peuple qui ne lit pas est un peuple condamné à la misère et à l’injustice. C’est par le livre, par l’écrit, que nous pourrons construire une mémoire, une histoire qui pourra guider nos pas dans un monde qui ne cesse pas de nous dérouter. Exposer la production écrite en tamazight, inciter et encourager les gens à la lire, permettre des échanges utiles entre les auteurs sont les tâches de ce salon qui doit gagner en qualité à chaque édition. Le HCA, à l’occasion de ces salons, doit penser efficacement le rôle des institutions publiques dans le développement du livre en particulier et de la culture amazigh en général. C’est l’une de ses missions que d’interpeller et de solliciter l’engagement des institutions de la république, d’autant plus que la reconnaissance constitutionnelle de tamazight renforce son rôle et lui donne la légitimité juridique qui lui faisait défaut à sa création en 1995. Pour que cela soit possible, il est temps de soustraire cette structure au vide juridique qui la fragilise, comme celui de désigner un nouveau président, de réactualiser les textes qui l’organisent et pourquoi pas avec de nouvelles prérogatives et une nouvelle structuration qui rendra son fonctionnement profitable pour tamazight. Aussi, ce salon nous a permis de rencontrer des auteurs et de discuter avec eux la nécessité de se doter d’un cadre organisationnel et des suites à donner au CALA.

A ce sujet, comment envisagez-vous la structuration de collectif des auteurs en langue amazighe ?ll Avant d’aborder l’étape de la structuration, nous sommes en train de définir les objectifs et les missions de cette organisation. Une fois ce travail bien entamé, nous trouverons la forme adéquate pour un fonctionnement rentable. Mais d’emblée, et afin de lever toute équivoque, le collectif est autonome, indépendant des institutions de l’Etat et de toute autre tutelle. L’autonomie de pensée et de réflexion est la condition indispensable pour tout créateur, sa conscience et la déontologie sont ses seules limites. Ceci dit, nous pourrons, nous devrons travailler avec les institutions et autres associations dans le cadre d’un partenariat guidé par le principe du respect mutuel. Un autre point, si le collectif est lancé à partir de Bejaia, il se veut national et sans exclusion aucune, il est ouvert à toutes et à tous. Il est temps de se prendre en charge, il y a du pain sur la planche. L’institution du Prix de la meilleure œuvre littéraire par le HCA, à l’occasion de ce salon, est une très bonne chose. Seulement, elle doit prendre corps et de la meilleure manière qui soit. Les auteurs doivent être informés des critères de sélection, de la composante du comité de lecture, des titres présentés à ces concours. Ceci me conduit à parler de cette opération de traduction des œuvres amazigh en langue arabe à l’occasion de l’année de la culture arabe en algérie. A ce jour, nous restons dans l’ignorance de ce qui ce fait. Et nous refuserons les choix qui négligeront les critères objectifs au profit du copinage et autres. Tamazight en tant que langue, culture, associations et institutions est une chance pour le développement et la modernisation de notre pays, elle doit toujours véhiculer ce rêve d’une Algérie meilleure.

Entretien réalisé par Aomar Mohellebi

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