Quelques jours plus tard, il revient sur les lieux du crime avec un grand coffre métallique, une tronçonneuse électrique et l’intention bien arrêtée de dépecer le cadavre et de la faire disparaître. Mais avec les odeurs insoutenables dégagées par le corps en décomposition, il renonce à son projet diabolique. Sa femme d’avec laquelle il a divorcé mais avec qui il vit en concubinage, qu’il a envoyée chez ses parents à Boghni dans la wilaya de Tizi Ouzou quelques jours avant le crime, revient et découvre dans l’appartement qu’elle a laissé net et propre un cadavre couvert d’une couverture, un grand coffre, une tronçonneuse, une hache et d’autres outils.Après quelques jours d’hésitation qu’elle passe chez des voisins et à l’hôtel, elle prend conseil auprès d’un homme sage et informe la police.L’accusé poursuivi pour homicide volontaire, avec préméditation et guet-apens et vol, a été, après délibération condamné à la peine capitale, alors que sa compagne sur qui a pesé l’inculpation de rétention de l’information et contre qui le procureur général a requis la peine de 2 ans de prison ferme, a bénéficié de l’acquittement.C’est cette affaire de crime crapuleux que le tribunal criminel de Béjaïa a eu à examiner en appel durant la journée d’avant-hier mardi.Les faits ont eu pour théâtre un appartement dans le quartier d’Arafou à Akbou et remontent à la journée du 4 avril 2002.Ce jour-là, selon la partie civile et le procureur général, l’accusé A. B., 30 ans au moment des faits, divorcé et père de deux enfants ayant repéré chez la victime A. K. un sac contenant une grande somme d’argent use d’une astuce pour la faire venir chez lui. Sachant que le poste cassette de sa Super 5 est en panne, il lui propose de l’accompagner à la maison pour lui en offrir un. Confiant et heureux à l’idée de recevoir un cadeau A.K. le suit sans réticence, étant donné que les deux compères, de l’avis même de l’accusé, se connaissent bien, se fréquentent depuis longtemps et travaillant tous les deux dans le change parallèle de devises.Préparant son coup depuis longtemps, fait remarquer la partie civile, l’accusé avait pris le soin d’emmener chez ses parents à Tizi Ouzou la femme avec qui il vit et de se procurer le matériel nécessaire à l’exécution de son sinistre projet.Une fois dans l’appartement et la porte d’entrée bien fermée, l’accusé demande alors à la victime de l’aider à ouvrir la porte d’une chambre qui coince. Et pendant que la victime se courbe et s’échine à ouvrir la porte qui coince, précise le procureur général, l’accusé se saisit de la hache qu’il a préparée, passe derrière la victime et lui assène plusieurs coups sur le crâne. L’accusation précise que la victime est décédée suite à une hémorragie cérébrale provoquée par les coups de hache.Son forfait accompli, l’accusé défait le sac de la victime et compte l’argent qu’il y a dedans. L’accusation et la partie civile signalent que selon les propres déclarations de l’accusé à la police judiciaire et au juge d’instruction, il y a trouvé la somme de 130 millions de centimes. Il couvre alors la victime d’une couverture à carreaux rouges et quitte la maison en prenant la précaution d’éloigner la Super 5 de la victime en la laissant en stationnement dans une rue de la ville de Raffour qui fait partie de la wilaya de Bouira.Le lendemain, soit le vendredi 5 avril 2002, il se rend au marché hebdomadaire de voitures d’Akbou et s’achète, précise l’avocat de la partie civile, une rutilante 406 de couleur vert métallisé. Il règle ses dettes dont le loyer de l’appartement notamment et prend la route de Boghni chez sa concubine. Il lui donne l’instruction ferme de ne pas rentrer à Akbou jusqu’à ce qu’il vienne la chercher lui-même.Quelques jours plus tard, il revient sur les lieux du crime avec un grand coffre et une tronçonneuse électrique pour, aurait-il déclaré à la police judiciaire et au juge d’instruction dépecer le corps, mettre les morceaux dans le coffre et faire disparaître le tout. Mais les odeurs nauséabondes qui se dégagent du cadavre en décomposition avancée l’ont empêché d’aller jusqu’au bout de son idée.Inquiète et soupçonneuse, la concubine malgré les ordres fermes de son compagnon de ne pas revenir, décide le 15 avril 2004, soit 11 jours après le crime, d’embarquer pour Akbou. En ouvrant l’appartement dont elle avait le double des clés, elle fut saisie d’horreur en trouvant dans la maison où elle habite le corps inanimé et pestilentiel, la tronçonneuse, le coffre et la hache. D’abord elle se sauve chez les voisins, puis elle prend une chambre d’hôtel. A la deuxième inspection qu’elle effectue six ou sept jours plus tard, et après avoir pris conseil auprès d’un homme sage, qui a d’ailleurs été appelé à la barre comme témoin, elle décide d’informer la police d’Akbou de sa découverte.La partie civile indique que les services de sécurité ont appréhendé l’accusé alors qu’il se prélassait dans un hôtel à Tichy.Appelé à la barre, l’accusé nie tous les faits qui lui sont reprochés. Il reproche même aux responsables de l’instruction de ne pas avoir convoqué un certain G. L., à qui il aurait remis le triple des clés de son appartement.Quand le président lui donne lecture du rapport de la police judiciaire et du PV du juge d’instruction qui correspondent parfaitement l’un à l’autre et où il a reconnu dans l’un et dans l’autre les faits qui lui sont reprochés, il a répondu que ces déclarations étaient faites sous l’effet de la peur.C’est la partie civile assurée par Maître Yedjed Mokrane qui a permis l’éclairage de beaucoup de zones d’ombre qui ont jusque-là subsisté dans le procès malgré l’audition d’une dizaine de témoins.D’une voix forte et claire, Maître Yedjed s’est fait en effet un point d’honneur dans sa plaidoirie à revenir sur les moindres détails de l’affaire. Il a même ajouté que pendant que la famille de la victime lançait des avis de recherche à travers la presse et que tout le village de Tadart Ouada se mobilisait pour retrouver la victime, l’accusé lui, se permettait le luxe pour faire diversion d’écrire à la famille de celui qu’il a tué pour lui réclamer une rançon de 50 millions de centimes.Dans son violent réquisitoire, où il a demandé la tête du principal accusé et deux ans de prison ferme à l’encontre de sa compagne, au chef d’inculpation de rétention de l’information, le procureur général a surtout mis en exergue la concordance parfaite qu’il y a entre les déclarations faites par l’accusé devant la police judiciaire et devant le juge d’instruction.La défense qui a soutenu l’accusé dans sa négation des faits qui lui sont reprochés, a surtout mis en avant le droit de son client de faire convoquer par la justice le nommé G. L. L’avocat a ensuite souligné le fait que la compagne de l’accusé en entrant dans l’appartement, n’a pas vérifié si l’homme étendu sous la couverture était réellement mort. Il ajoute que si son client avait réellement tué quelqu’un, il n’aurait pas le lendemain du crime acheté une voiture pour se promener et s’afficher partout. Il aurait au contraire cherché à se cacher. Enfin, concernant la demande de rançon, le défenseur déclare qu’elle n’émanait pas de son client.Au terme de sa plaidoirie, il demandera l’acquittement pur et simple de son client.Après délibérations, dont la durée n’a pas dépassé une heure, le président revient avec la sentence de la peine capitale pour A. B. et l’acquittement pour sa concubine.
B. Mouhoub