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Entre les vivants et les morts

Perché sur le sommet d’une colline telle une citadelle inexpugnable où tous les chemins arrivent en montant, Ighil n’Djeber est un village séculaire qu’habitent 300 âmes. Distant du chef-lieu communal d’environ 8 kms, il offre une vue panoramique sur toute la vallée de Seddouk et de la grande muraille du Djurdjura.Le village est desservi par une route bitumée bordée à gauche et à droite par des maisons éparses nouvellement construites. A la limite de ce lotissement pavillonnaire commence le vieux bâti qui étale tout son charme avec ses ruelles étroites qui se terminent le plus souvent en cul de sac et ses maisonnettes ardentes aux façades basses érigées avec de la pierre locale et charpentées avec de la tuile rouge traditionnelle, qui résistent encore aux aléas climatiques et aux effets du temps. A l’entrée se dresse une minuscule baraque faisant office d’un foyer pour les jeunes, et utilisée aussi par les villageois lors de leurs rassemblements. C’est la seule infrastructure qui accueille les jeunes de la localité pour leur épanouissement. A l’intérieur, des jeunes assis sur des bancs en madriers s’adonnent aux jeux de cartes et de dominos pendant que d’autres croisent les bras, sirotent des boissons encore fumantes qui ne peuvent être que du thé, du café, le tout dans une ambiance bercée par des chansons kabyles. En s’engouffrant à l’intérieur du petit hameau qui semble désertique, une petite placette occupée par des vieux adossés aux murs, languissant dans leurs burnous au soleil et se laissant bercer par le bruissement d’un filet d’eau coulant d’un robinet d’une fontaine visiblement relookée.“Nous avons cotisé l’argent pour l’achat des matériaux et nous avons accompli nous-mêmes les travaux de main-d’œuvre”, souligne un jeune du village. La ruelle principale distribue, à droite et à gauche, des venelles. Leur état laisse à désirer et inspire une certains désolation. “Elles n’ont jamais reçu d’aménagement ce qui fait que nous pataugeons dans la gadoue durant les intempéries et nous inhalons de la poussière qui n’épargne pas par ailleurs nos foyers durant les saisons estivales”, renchérit-il. Au quartier Amdoune, situé sur le versant nord du village, les habitants, environ une cinquantaine, soulignent l’absence d’un réseau d’assainissement, ce qui les a contraints à se rabattre sur les fosses septiques. “Nous sommes les éternels oubliés des autorités locales. Nous leur avons à maintes reprises fait part de nos déboires et ce n’est que ces jours-ci que nous avons reçu la visite d’un élu, qui a inspecté les lieux, et nous espérons que cette fois-ci nos doléances vont aboutir”, abonde un résidant. Abordant le volet éducatif, un parent d’élèves n’est pas allé de main morte pour désigner l’école primaire du village comme un établissement éducatif sinistré. “Nos enfants grelottent de froid à cause des pannes récurrentes des poêles à mazout très vétustes. Par l’absence d’une cantine scolaire, ils mangent des sandwichs froids en plein hiver. L’endroit est pollué à cause d’un rejet d’égout rassemblant les eaux usées de tout un village, abandonné à environ100 m de l’établissement. La cour de l’école qui n’est jamais aménagée est saturée de pierres”, tempête-t-il. La frange juvénile est souvent rongée par l’oisiveté, la monotonie et le découragement par manque de perspectives d’emplois et de loisirs indispensables pour leur épanouissement. Pour cela, à titre d’exemple, les jeunes adeptes du football par manque d’une aire de jeux de proximité partagent un petit espace avec les morts du village. Le plateau est utilisé comme terrain de fortune et le talus est un cimetière en service.

L. Beddar

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