Entre stress, angoisse et espoir

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Ce sont des dizaines de milliers d’adolescent des deux sexes, ayant suivi un cursus lycéen de trois ans dans différentes filières qui se demandent donc où ils seront dans un an. L’université, le redoublement ou l’orientation vers la vie active. Doux euphémisme signifiant tout simplement l’exclusion de l’école.De telles questions ne font qu’effleurer, cependant l’esprit du potache. Et pour cause, tout candidat au bac à Alger, en Kabylie, en Oranie, et dans toutes les autres régions du pays, s’est tracé un programme de révisions en prévision du jour J.

Turbulences au programme

Enfin, le dit programme est bien conçu. Mais encore faut-il savoir le suivre et le retenir. Et sur ce point, les candidats au bac de Boumerdès ne semblent guère plus rassurés que les candidats au même examen à Constantine, Alger, Ouargla, ou Béchar. Les grèves cycliques déclenchées par le CNAPEST ont quelque peu perturbé la scolarité des potaches. Des séances de rattrapage ont été organisées, ici et là, pour pallier les différentes lacunes. “Mais le temps nous manque cruellement maintenant pour établir un programme de révisions”, fulmine un groupe de candidats au bac – lettres. Elèves au lycée Draoui de Boumerdès, ils disent qu’ils ont été perturbés, début mai, par une autre grève de 10 jours. Celle-ci a été déclenchée, pour rappel, par le collectif des enseignants en réaction à des blâmes injustement infligés par la direction locale de l’éducation à cinq professeurs de l’établissement en question. Ces candidats au bac ont été, selon leurs dires, pris entre deux feux durant toute l’année dans l’affrontement ouvert enseignants – ministère de tutelle. Au lieu de rester chez eux après la dernière composition pour réviser leurs cours, “on devait aller en classe jusqu’au 5 juin pour terminer le programme”, ont-ils précisé. Comment faire pour réviser maintenant tous les chapitres des différentes matières, s’angoisse-t-on. D’autres potaches estiment pourtant qu’on peut exploiter à fond les quelques jours ou heures qui restent avant le début des épreuves. Hadjer, brunette de 18 ans, également littéraire confie qu’elle a déjà parfaitement assimilé les cours d’histoire et ceux de géographie. Elle a peaufiné aussi ses capacités de résorption de certains problèmes d’algèbre – figurant dans le programme de la série lettres – grâce à une copine matheuse. En contrepartie, Hadjer, a aidé celle-ci à comprendre certains thèmes de philosophie, en plus des méthodes de dissertation. “Y a pas de raison qu’on ne réussisse pas si l’on s’entraide” conclut notre interlocutrice qui révise aussi méthodiquement les cours de langues étrangères – français et anglais – ainsi que la grammaire et la réthorique propres à la littérature arabe. Seul ou en groupe, on se farcit donc les sujets de lettres, de sciences ou de mathématiques l’un après l’autre. Éprouvez-vous une certaine passion au travail? Cette question provoque un formidable éclat de rire, ce mercredi parmi un groupe de potaches dans la salle de travail de la Maison de la culture du chef-lieu de wilaya de Boumerdès. La révision, pas exaltante du tout. “Nous n’y ressentons aucun plaisir”, lance Mounir, un scientifique. Ce jeune aux yeux cernés de métal souligne que chaque élève de terminale se sent dans l’obligation d’avoirr le bac. Mounir, comme tant d’autres candidats scientifiques n’a entre les mains que des annales de sciences naturelles, de physique et de mathématiques dont le coéficient pour chacune des matières est de 5. On révise donc apparemment, ici et là, sans passion. On veut surtout, par esprit pratique, réussir pour s’ouvrir des portes vers un (meilleur) avenir.

La peur les réveille

Meilleur avenir ? Fouad sort, instrinctivement ces mots : “Le bac n’est rien d’autre, pour moi, qu’une occasion d’échapper à une punition paternelle”. Et il ignore, selon son témoignage, s’il a peur du bac ou de son géniteur en cas d’échec ou les deux à la fois. Jusque-là, pourtant, la perspective d’affronter le regard du père, lors de la proclamation des résultats, l’a poussé à dévorer manuels scolaires et annales des différentes matières de la série lettres et science humaines. Presque tous les potaches ont les parents sur le dos. “Pour eux, je suis toujours la fille qui ne travaille pas assez”, confie Amel, littéraire au lycée Amirouche de Réghaïa. Mes parents oublient, ajoute-t-elle sagement, “qu’il y a des moments où tout effort supplémentaire devient inutile”. Résumé de son expérience : “Mon échec au bac, l’année dernière, est dû à un surplus de fatigue et surtout au trac. En classe spéciale, toutes les lacunes sont pratiquement comblées cette année. Mais, mes parents épient constamment mes faits et gestes”, renchérit-elle sur un ton d’ironie. Si vraiment l’on s’inquiète, cela provient aussi de l’entourage, du quartier, peut-être même de l’entourage, du quartier. Chacun attend du potache qu’il connaît la pleine mesure de ses capacités. Et la perspective d’être mal considéré en cas d’échec risque de perturber le moral de l’élève lors des épreuves. Supprimer l’œil de l’autre – proche parent, enseignant ou voisin – puis bosser en toute sérénité en espaçant les heures d’activités peut mener aisément à la réussite, selon la psychanalyse sartrienne. On parle, bien sûr, de ceux qui ont une base consistante. Mais l’on aura constaté, hélas, depuis une vingtaine d’années que la cohorte des élèves qui arrivent en terminale ne maîtrisent ni l’arabe, ni le français encore moins l’anglais, alors que la langue est indéniablement un instrument de base pour l’acquisition du savoir. Et dans les nouveaux établissements secondaires, à l’exemple de ceux de Boumerdès, les moyens pédagogiques ont souvent fait terriblement défaut. “Faute de matériel adéquat, nous n’avons pratiquement jamais fait ces dernières années, d’expériences scientifiques”, s’inquiétent de nombreux professeurs au chef-lieu de wilaya précité. Entre l’espoir et l’inquiétude, les élèves s’apprêtent, eux, à affronter ce samedi les premières épreuves du bac.

Salim Haddou

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