Que n’a-t-on pas dit sur le niveau de la chanson kabyle d’aujourd’hui, où une pléiade de chanteurs ont bravé la morale et l’interdit pour ressasser les anciens titres d’autres, célèbres. Cependant, la galerie artistique et musicale est loin d’être pauvre avec les nouvelles créations et du nouveau souffle. Ils sont nombreux ceux qui par leur esprit créatif et innovateur ont apporté leur pierre à l’édifice de la chanson kabyle. Rachid Ferhat est parmi eux, lui qui par l’entremise d’études musicales au Conservatoire d’Alger, tente de remuer les fonds et tréfonds de la musique chaâbie. Son troisième album intitulé Thakhumrit (La brune) le prouve si bien et quand on est féru d’El Anqa, on ne peut sans doute pas se permettre de badiner avec la musique ni encore moins avec les sentiments de ses auditeurs.Rachid affirme que c’est l’amour qui l’avait poussé à chanter. C’est pour cela que ce thème se taille la part du lion dans cet album qui comprend outre Thakhumrit, Zhun Kem, ssu-yid, Aayigh-Nndama et Azekka-k, en hommage au Rebelle. Il ajoute que la stagnation fait mal à la chanson kabyle et la création et l’innovation sont les seuls garants de la continuité et de la relève. Cependant, l’innovation ne doit en aucun cas compromettre le cachet kabyle ; et avant de tirer à boulet rouge sur la robotique qui, dit-il, n’a pas existé du temps d’El Hasnaoui, il soutient qu’elle ternit le paysage artistique kabyle. Dans le même ordre d’idées, il n’épargne pas les auteurs des reprises, qui selon lui n’apportent rien de bien pour les auteurs authentiques pour sauver de l’oubli ceux-ci, il y a la radio qui mène à bien cette mission. Et la chanson c’est, martèle-t-il, celle qu’on peut écouter en famille, quel que soit le thème. La reprise charcute et détruit la chanson kabyle. Dans son nouveau produit, ce natif de Mechtras a su allier des musiques sur mesure avec le verbe qui n’est pas un simple support quelconque. L’harmonie ne se laisse pas chercher puisque elle poind sa lueur dès l’entame des chansons. Dans “ssuy-id”, Rachid chante :Ssuyi-d amellal n wallen imTghumedhiy-id s lecfar imAkken yiwen ur yid-itt waliAayigh deg-m ttwessigh/qaregh am ddunit tewaarDi tebratin cfigh/Ghas s tuffra seant ssarLemmer akka yehsigh/ur kemdjigh d imensi i ygudar
Des images poétiques agrémentent le texte pour inviter le public à un voyage dans l’imaginaire.A propos des médias et leur rôle dans la chanson, il reconnaît que certains connaisseurs parmi les animateurs font promouvoir cet art alors que des émissions gérées par l’audimat, par téléphone particulièrement, ne sont jamais une véritable mesure pour la qualité de l’art. Il y a parfois des dépassements. L’artiste, selon lui, doit assumer son rôle d’artiste pour l’éveil des consciences et de conseiller dans des domaines divers car devant des milliers d’oreilles attentives, on doit prêter attention. On ne chante pas pour passer le temps. L’auteur de Takhumrit pense que Cheikh El Hasnaoui a cassé pas mal de tabous dans la chanson sentimentale, ainsi qu’Amar Ezzhi qu’il estime bien, tout en confiant qu’il aurait aimé être l’auteur de la chanson “Am Laâyoun tiberkhanin” d’El Hasnaoui.Rachid, en conclusion, tient à rendre hommage aux anciens artistes qui nous ont montré la voie. Il ajoute qu’il aime l’art bien fait et que le public doit assumer son choix car c’est un juge qui peut renverser la balance à sa guise. Bravo, l’artiste.
Salem Amrane