Elles se lèvent aux aurores, elles viennent de très loin car elles ne connaissent pas la région, pourtant elles se sont familiarisées avec les villageois de la localité. Elles, ce sont ces mendiantes vêtues de haillons qui sillonnent à longueur de journées les quartiers des villages d’Aghbalou. Six heures du matin, un fourgon aménagé, immatriculé dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj, vient les déposer aux quatre chemins de Chorfa. Une fois sur place, elles montent à bord d’un autre fourgon qui les dépose à l’entrée du village de Takerboust, chef-lieu communal. Il ne faut surtout pas que les gens les voient descendre du véhicule. Cela pourrait se répercuter sur la recette de la journée. Les quartiers à visiter sont soigneusement répartis entre elles. Les quémandeuses, dont l’âge varie entre vingt et cinquante ans, se révèlent être de véritables “business women” et elles savent s’y prendre pour s’attirer la sympathie des bons samaritains. En effet, sous leurs allures misérables se cachent des femmes de caractère qui ont le sens aigu du négoce. Les arguments dont elles font preuve sensibilisent plus d’une personne. “Mon mari m’a abandonnée et je dois subvenir aux besoins de mes enfants en bas âge”, “Moi je suis veuve, mon époux est mort assassiné”, “Ma famille est décédée dans un accident de circulation” etc… Autant d’arguments qui ne peuvent laisser le commun des mortels insensible devant les péripéties imaginées par ses femmes pour se faire accorder quelques piécettes. Argent ou à défaut de l’huile d’olive, mais aucunement besoin de denrées alimentaires trop encombrantes à transporter. A maintes reprises, lorsque les mendiantes acceptent de la nourriture, les aliments sont jetés, dès que les âmes charitables ont le dos tourné. Le soir venu, c’est le même fourgon de la matinée qui les attend aux quatre chemins de Chorfa, elles retournent d’où elles sont venues et le lendemain elles cibleront une nouvelle localité. Une autre région où des citoyens s’apitoieront sur le sort de ces pauvres hères avec leurs douleurs imaginées, avec leurs apparences pitoyables. Ce qui s’apparente à une véritable entreprise de mendicité est en phase de devenir un phénomène de société. Surtout si les pouvoirs publics n’interviennent pas pour mettre un terme à ces agissements. Des agissements, qui sont enclins ces dernières années, à devenir un peu trop coutumiers aux yeux des citoyens qui sont à leur insu “rackettés” dans les règles de l’art.
H. B.