Terre martyre

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Il existe bel et bien une littérature afghane de grande qualité malgré les guerres fratricides et les envahisseurs de tout acabit. Le porte-drapeau de cette littérature est sans conteste : Atiq Rahimi qui dans son premier roman traduit en français « Terre et cendres » nous promène dans un pays où la désolation habite les paysages et où l’horreur prend la place du soleil. Ce roman est une photographie authentique de la réalité douloureuse de l’Afghanistan. Ecrit avec une plume haletante, l’auteur privilégie la phrase courte pour dire la complexité avec lyrisme. Une phrase minimale qui livre des images rapides, brèves comme le ferai le cinématographe d’un pionnier. Le narrateur qui use tout au long du récit du « Tu de l’implication » donne l’impression d’être la conscience désincarnée du personnage principal qui répond au doux nom poétique Dastaguin. Un homme d’âge mur qui part à la rencontre de son fils Mourad. un fils qui a préféré l’exil intérieur en s’enterrant dans un mine de charbon. Il a laissé derrière lui sa petite famille. Cet exil est dicté par un impératif éthique, un refus catégorique de collaborer avec l’envahisseur et ses acolytes. Un homme d’honneur qui contribue au maintien du prestige de la famille malgré toutes les tentations.Dans ce périple de Dastaguin, tout semble figé. Un univers chaotique qui précède la création « Terre et cendres » a des relents d’un espace clos. Le personnage tourne en rond dans un monde qui est une survivance d’un lendemain apocalyptique. Tout est dévasté et c’est là que le roman prend toute sa force en reflétant une réalité dont on ne mesure pas assurément les dégâts. Dastaguin qui progresse dans un itinéraire presque rectiligne, ballotté entre les différents protagonistes semble voué à une quête impossible.Tout concourt pour faire capoter son projet de retrouver son fils. Mourad devient l’être proscrit dont personne ne veut entendre parler. Attiq Rahimi maintient le suspense jusqu’à la fin. Il jette aussi un regard sans complaisance sur les agissements des seigneurs de la guerre. Une caste qui se recrute parmi les féodalités qui ont ruiné l’avenir du pays afghan. Une caste possédant les moyens de faire plier même les volontés les plus farouches. Dastaguin est venu voir Mourad qui a mis fin aux turpitudes d’un rejeton de cette caste qui avait voulu attenter à l’honneur de sa femme. Ce roman parle aussi des souffrances du peuple afghan. Un peuple qui se terre pour conjurer la malédiction de l’envahisseur soviétique. Un envahisseur qui ressemble à tous les autres en pratiquant la terre brûlée à outrance. Dans ce chaos originel, il n’y a que la voix de Mirza Quadir, un barde possédant une échoppe et qui perpétue la mémoire du peuple en abreuvant les esprits de contes et de poésies puisés dans un terroir en péril. « Terre et cendres » est un roman poignant qui traduit de façon lyrique les péripéties d’une âme et d’une conscience tourmentées.

Slimane Aït Sidhoum

« Terre et cendres » de Atiq Rahimi aux éditions POL

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