Ils étaient des milliers, encore hier, à défiler dans les rues de la ville de Tizi-Ouzou, en ce 22e vendredi de marches populaires contre le système politique du pays.
Rien ne semble entamer la détermination de ces milliers d’hommes et de femmes, de différents âges et de divers horizons, à vouloir pérenniser un mouvement qui ne s’essouffle pas.
Hier, le 22e vendredi algérien est le énième vendredi caniculaire. Certes, la chaleur était moins intense que les trois précédents vendredis mais ni la grande chaleur ni l’humidité élevée n’ont eu un effet sur le corps et l’esprit des marcheurs. Les pas marchent de l’avant, battant le pavé au croisement du feu et du fer scandant, chantant et brandissant tous les symboles du patriotisme.
A Tizi-Ouzou, l’emblème national réapparaît avec force après quelques vendredis aux couleurs strictes de Tamazgha. Hier, le drapeau algérien flottait fièrement au-dessus des milliers de marcheurs, caressant leurs têtes, côtoyant le symbole des territoires amazighs. Midi passé de quelques dizaines de minutes, sur le boulevard principal qu’emprunte la traditionnelle marche des vendredis, les murs sont pris d’assaut par les quinquagénaires et les plus âgés.
Les arbres longeant cette rue menant vers le portail principal du campus universitaire de Hasnaoua sont aussi assaillis par ceux qui ont fait du vendredi, leur repère hebdomadaire. C’est qu’au centre-ville de Tizi-Ouzou, l’on scrute avec des yeux qui clignotent, la moindre ombre. Plus bas, en contrebas du stade du 1er Novembre, même scènes à l’ombre des murs, des arbres et des larges pylônes en ciment qui offrent un semblant d’ombre.
Ici, un groupe de dames, toutes portant des chapeaux de paille, quelques-unes en robes kabyles traditionnelles bariolées aux couleurs vives, entonnent des champs patriotiques hérités, assurément, de leurs engagements à la Révolution nationale contre l’occupant français, aux côtés de leurs maris, fils ou frères. Qui sait, peut-être parmi ces vieilles dames, il y en a celles qui ont enterré l’un des leurs tué par l’armée coloniale. Loin s’en faut.
Les trottoirs longeant le boulevard Lamali Ahmed, menant du centre-ville vers le campus Hasnaoua, sont noircis de monde au fur et à mesure que les minutes s’égrènent. Devant le portail de l’université, la marée humaine est déjà là. Un bus affrété par les citoyens de Bounouh vient de «décharger» ses affréteurs, banderoles, pancartes et emblèmes à la main. Les muezzins des mosquées font l’appel à la prière du vendredi. El Adhan se fait entendre à des centaines de mètres à la ronde.
A vrai dire, c’est le son repère de l’approche de l’heure du départ de la marche. A Tizi-Ouzou, les non-prieurs prennent les devants et entament la marche dès que le deuxième appel à la prière fuse. Les fidèles ne tarderont pas à sortir des mosquées pour rejoindre leurs frères et sœurs, en tête des cortèges. 14h, la procession humaine est déjà au cœur de la ville de Tizi-Ouzou, occupant ronds-points et boulevards principaux, à savoir Lamali Ahmed et Abane Ramdane (Grand-rue).
Les slogans fusent à tue-tête. Ils sont chantés à des rythmes faciles à entonner : «Laissez-moi passer, en quoi je vous fais peur» ou encore «Libérez les détenus», «Machi askaria, daoula madania», «Ca y est, c’est bon…, le peuple président», entre autres. Quelques slogans sont transcrits itérativement sur plusieurs pancartes, à l’instar de : «La chute du féodalisme est proche», «Cessez le pouvoir du téléphone».
La nouveauté dans cette marche est ce long drapeau algérien fait de 48 pièces de l’emblème national de 2 mètres chacune, porté le long de la marche par 46 personnes. Sur chaque emblème, le nom et le numéro de chacune des wilayas est transcrit. Une façon de démontrer l’inaliénabilité d’aucune des 48 wilayas du pays. Une façon de rappeler aussi que l’Algérie demeure un territoire de tous les Algériens, vivant leur diversité culturelle et même sociale.
M. A. T.