Le règne de l’euro

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En Kabylie, l’été ne se départit jamais de l’exil. Un exil qui, sans le savoir, a fait des gens qui l’ont épousé des êtres si chers et si importants qu’aucun été ne mérite d’être célébré sans eux. Les émigrés, comme on aime bien les appeler chez nous, font partie du paysage des vacances en Kabylie. Aucun village, aucune ville et aucun hameau ne déroge à cet état de fait. Il n’existe pratiquement aucune contrée, à Tizi Ouzou, dont les siens ne sont pas allés tenter leur chance sur le Vieux Continent ou ailleurs.Vérité historique pour les uns, fatalité sociale pour les autres, il est de toutes façons de la réputation des Kabyles, qu’ils possèdent un penchant (souvent forcé) pour l’émigration. Certaines statistiques (difficilement vérifiables toutefois) attestent qu’au moins un Kabyle sur deux vit de cette même émigration, qu’elle soit intérieure ou extérieure. Et c’est cette dernière qui fascine plus la région, pas seulement pour l’importante manne financière qu’elle lui procure mais aussi parce que l’éloignement prolongé d’un frère, d’un père ou d’un cousin fait d’eux des êtres si chers que tous, dés leur retour au bercail est vécu comme un grand événement et souvent célébré en tant que tel.De fait, quand les émigrés reviennent “ici chez eux”, bien des habitudes sociales et traditionnelles sont bousculées sans que cela n’offusque le plus conservateur d’entre nous. L’essentiel étant de ne jamais froisser ces hôtes pas comme les autres, encore moins de défier leurs caprices. Ainsi, les liens familiaux se resserrent (un peu plus qu’il n’en faut des fois) et l’on se réjouit presque exagérément de la présence de ces gens dont la progéniture ne parle même pas kabyle mais à l’apparence suffisamment attrayante pour nouer toute sorte de contact avec eux. Les sortie en famille deviennent, soudain, plus amusantes. Plus attrayantes. Les fêtes de mariage aussi. D’ailleurs dans tous les cortèges nuptiaux de Kabylie, il est très aisé de constater que les plus belles des voitures et les plus élégantes des femmes sont… celles venues de l’Hexagone. Toutefois, il serait naïf de croire que l’impact des émigrés sur la Kabylie est uniquement social. Il est aussi, et surtout, économique.Bien des commerces retrouvent, en effet, leur verve à la venue de l’été et à l’arrivée de ces clients un peu plus particuliers que les autres. Les produits de large consommation sont les plus convoités par les « arrivants de là bas”.Dopés par des taux à vous faire tourner la tête ces derniers n’hésitent pas à se taper des produits qui leur sont vendu en deça de leur coût réel, et ce, du moment que, de toute faon, il coûtera 10 fois moins si l’on venait à la comparer à l’euro. Les prix s’envolent de fait, sauf celui (justement !) de l’euro, lequel sous le poids de l’offre abondante, connaît ses taux les plus bas. Et e n’est pas tout. Le tourisme aussi connaît un vrai sursaut à l’arrivée des émigrés et de leur porte-monnaie. les plages sont plus peuplées; les hôtels saturés et, bien évidemment, les factures deviennent plus salées au grand bonheur des tenanciers.Cela dit, et même si l’on est pas encore à ce point culminant et que nos émigrés ne nous ont pas encore envahis, il n’en demeure pas moins que cette année encore, on sera là à les attendre et à les accueillir et à leur faire passer les vacances les plus cool possible. De plein gré ou par contrainte, cela dépend des êtres, des foyers et… de la cherté de l’euro.

Ahmed B.

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