La Ddk : Alors, qui est Messaoud Oukil ? ll M.O : Je suis un ancien chanteur mais nouveau sur la scène musicale kabyle avec le nouvel album que je viens de sortir. Je suis venu à la vie par une journée printanière de l’an 1966 à Takorabt, dans la commune d’Ighil Ali. Issu d’une famille nombreuse et pauvre, la chanson a été pour moi une sorte d’antidote contre le mal vivre. J’ai passé mon enfance dans une maison kabyle vétuste et inhabitable. Je me souviens, pendant les saisons hivernales, quand ma mère montait la nuit sur le toit pour renforcer les tuiles cassées afin d’éviter que l’eau des violents orages ne pénètre à l’intérieur de la maison… Parlez-nous justement de votre album ?ll Il comprend quinze titres qui sont pour la plupart engagés. Dans ce premier album intitulé Iles umezruy, j’exprime mon opinion d’artiste sur la chose politique. Je ne peux toutefois éviter de rendre hommage à mes idoles qui ont marqué de leurs empreintes indélébiles le combat pour l’identité berbère, à savoir Taos Amrouche, Ferhat, Matoub, Mohamed Haroune, Mouloud Mammeri, etc. Je ne suis pas un pyromane, mes chansons sont engagées mais pas subversives.
Selon vous, être chanteur engagé, cela signifie quoi aujourd’hui ? ll D’aucuns pensent qu’avec l’avènement du pluralisme politique en Algérie, la chanson engagée est de facto morte. Il est vrai que ce type de chanson requiert aujourd’hui plus qu’avant 1988, davantage d’effort d’imagination. A mon sens, le chanteur engagé apporte une vision d’artiste sur la politique, parfois il s’efface pour tenter de mettre en relief la réalité du peuple duquel il est issu. Toutefois, artistes engagés ou hommes politiques, tout le monde doit être responsable de ses positions et des idées qu’il met à la disposition du public. Même dans les pays où les libertés démocratiques prospèrent, il y a toujours des chanteurs engagés. La chanson engagée, c’est d’abord un type d’art.
Sur la jaquette de votre cassette, vous avez également rendu un hommage à votre père…ll Effectivement, mon père –que Dieu ait son âme- était ma première école, il fut un trésor de connaissance inépuisable. En dépit des privations que j’ai citées toute à l’heure, il a su être à la hauteur de la responsabilité d’un père digne et incorruptible. C’est pourquoi je suis fier de lui et je le serai toujours.
Vous faites usage dans les textes de vos chansons des néologismes de la langue berbère moderne, n’appréhendez-vous pas le risque de ne pas être compris du grand public ? ll Non, pas du tout, parce que j’en suis profondément convaincu. La commercialité n’est pas ma priorité. Il me semble que l’une des missions de l’artiste amazigh est de participer à la propagation de ces nouveaux mots dans la société. On ne crée pas des mots pour les mettre dans le frigo. Tamazight ce n’est pas seulement les slogans.
Qu’avez-vous à ajouter en guise de dernier mot ? ll Je vous remercie pour cette interview, ça été un plaisir ! L’Algérie est irréversiblement sur la voie de la démocratie. L’Algérie de Djaout triomphera, l’espoir aujourd’hui est immense !
Karim Kherbouche