Vous voilà donc parmi nous, Shamy. Parlez-nous de vos nouvelles…ll Vous savez, je n’ai jamais été absent du pays pour une longue durée, je vis en France depuis 42 ans et j’ai toujours fait le déplacement en Algérie au moins une fois par année. Cette “fois”, je suis déjà venu à trois reprises, j’ai participé au festival du film amazigh à Ghardaïa, je viens à Ath Yani et Ouadhias dans le cadre du festival Raconte-arts.
Justement en parlant de Raconte-arts, comment avez-vous trouvé l’idée de l’organisation d’une telle manifestation ?ll Géniale ! Je félicite les organisateurs et j’exhorte les acteurs de la Kabylie à faire de même pour qu’ils puissent entreprendre cette démarche qui est à même de redonner l’espoir et réactiver l’activité culturelle dans son sens le plus large.
Quel a été votre apport à l’occasion ?ll L’idée étant de mettre en avant des personnalités connues afin de sensibiliser les villageois à venir nous voir nous écouter; j’ai personnellement participé à des conférences; j’ai eu l’occasion de présenter mon dernier roman “La fiancée du soleil” ainsi que la prospection de mon documentaire “Message kabyle”. Cependant, le moment magique reste indéniablement quand en pleine nuit étoilée, je présente mes contes pour enfants, cela me rappelle fortement le temps antique avec une touche de modernité.
On vous sent nostalgique…ll Non, non je n’ai jamais eu une rupture avec le pays, je viens souvent pour présenter mes œuvres : c’est mon champ naturel. Je reconnais que le fait de vivre en France m’avantage énormément. Sachez que là- bas les artistes s’intéressent au pays, ceux qui sont là, déjà qu’ils existent, c’est un miracle.
Comment vous est-elle venue l’idée de présenter les contes pour enfants ?ll Etant enfant, ma famille m’a transmis des dizaines de contes algériens, il se trouve que c’est tout à fait mon devoir de faire de même; il s’agit là d’un patrimoine commun, j’ai tenté de marier la tradition orale avec la modernité ; la touche nouvelle réside dans l’introduction d’un support musical et picturation avec un livre dans chaque CD.
Comment votre travail a-t-il été justement accueilli ici, en Algérie ?ll Je suis arrivé à une conclusion qu’ici lorsqu’on offre quelque chose, on est récompensé souvent, j’ai pu constater que la demande est plus forte chez les arabo-français pour les raisons que l’on connaît.
La transition que vous avez vécue, du chanteur engagé à l’écrivain, a-t-elle été facile à vivre ?ll Le déclic est complètement différent, c’était pour moi une suite logique, je me suis toujours identifié à des auteurs comme Kateb Yacine qui m’a trop souvent encouragé à franchir le pas. Un jour, il me disait : “Du cœur… du cœur… Radjugez”, comme disait bien les Espagnoles.
Qu’en est-il de votre dernier roman “La fiancée du soleil” ?ll A travers mes périples en Algérie, j’ai pu me rendre compte que la femme n’avait pas tellement de droits. De l’injustice à l’irrespect, mon roman est unappel au retour, au respect de la femme, c’est un hommage…
Vous êtes aussi sensible aux problèmes de la jeunesse, vous avez réalisé “Message kabyle”, est-il vrai que le film a été censuré même en France ?ll Ecoutez, moi je suis sensible à ma culture, les événements du Printemps noir qui doivent rester dans notre mémoire collective, c’est dans cette logique que mon documentaire intervient, je ne veux pas que ça continue, l’accueil réservé à ce film est extraordinaire, en ce sens qu’il a pu rivaliser avec les grands ; parmi les films ayant participé au Festival de Genève (plus de 40 pays), mon film a réalisé le plus d’entrées en France, c’est vrai que c’est une censure qui ne dit pas son nom, je l’ai présenté aux médias, ils m’ont tous répondu “votre film est bon, mais nous ne voulons pas avoir de problèmes avec l’Algérie”, c’est dommage !
Avez-vous un message pour la jeunesse du “Printemps noir” ? ll J’ai pu voir malheureusement que cette jeunesse est effondrée, déçue, elle n’est prête à oublier ; incompréhension, déception, amertume, sont les mots qui reviennent. Ceci dit, je lui demande d’être patiente, il faut absolument s’investir dans tous les espaces. Aujourd’hui, ce sont les Chinois qui bâtissent et construisent nos cités, ce sont les Italiens qui réalisent nos barrages. Il est temps que la jeunesse prenne conscience que seul le travail compte…
On ne peut clore l’entretien sans vous demander des nouvelles sur le groupe Abranis ?ll Permettez-moi d’abord de démentir la rumeur selon laquelle un des membres du groupe est mort. Ils sont tous en bonne santé, concernant l’activité du groupe, Karim (membre du groupe) et moi nous sommes mis d’accord pour réaliser un nouvel album d’ici un an sinon plus.
On vous laisse le soin de conclure…ll Je remercie M. Metref Hassan, l’initiateur et président du festival Raconte-arts, qui m’a permis d’être proche du public, nous avons reçu un accueil fabuleux. Je remercie toute l’équipe, Denis Marting, troupe de danse d’Ath Yani ainsi que la troupe théâtrale d’Azazga. J’ai découvert à l’occasion le jeune Kamel, un talentueux comédien, c’est notre Debbouz kabyle, un salut particulier à Djaffar Chilab, mon ami, auquel je dis que je me remarierai bientôt, ma dernière s’appelle “La fiancée du soleil”.
Propos recueillis par Aomar Z.