L’amère réalité que vit actuellement le théâtre algérien nous amène obligatoirement à nous souvenir de certains auteurs, artistes et metteurs en scène, — aujourd’hui tous disparus — qui ont donné à notre théâtre l’épopée qui est la sienne. Mahieddine Bachtarzi, Kateb Yacine, Mohya, Alloula, Bouguermouh, Mustapha Kateb, autant d’étoiles qui continuent à rayonner sur un pays qui tourne royalement le dos à la chose théâtrale. C’est qu’il est vrai que parfois il existe par-ci par-là quelques créations, mais ce ne sont que de petites bulles de savon qui ne changent guère le tableau quasi noir du visage théâtral algérien. Comme rappel, c’est un acte pédagogique et il est utile. Rappelons-nous donc de l’un de ces hommes qui ont permis au théâtre algérien d’avoir l’assise qui est la sienne.C’est à Souk Ahras, le 8 juillet 1920, que Mustapha Kateb vient au monde. Tout enfant, dans l’atmosphère coloniale d’alors, son amour pour le théâtre se fait sentir. Agé de 18 ans, le voilà faisant ses premiers pas dans le théâtre radiophonique. A peine âgé de 20 ans, le voici montant sa propre troupe théâtrale dénommée El Masrah qui deviendra plus tard El Masrah El Djazaïri. Cette troupe permettra à Mustapha Kateb d’approfondir son expérience et de se mettre en contact avec les plus grandes figures théâtrales de l’époque dont, notamment, Bachtarzi. Ami de son père Abdelaziz, ce dernier va lui ouvrir grandement les yeux sur le monde féerique du théâtre et lui inculquer tous les principes de base dont il a besoin pour aller à l’assaut des planches et du grand public. “Le médecin sicilien”, qu’il présenta à Médéa et le relatif succès qu’il a remporté, lui font naître de généreuses idées pour un renouveau du théâtre algérien. Avec sa bande de copains, Mohamed Touri, Habib Réda, Sissani et Abderrahmane Aziz, il entreprend de donner un nouveau souffle au théâtre algérien. Cette entreprise sera interrompue en 1958 par le FLN qui exigera de tout le monde d’être au service de la cause nationale. Mustapha Kateb va alors servir, en quelque sorte, d’ambassadeur aux novembristes : il portera le message de la révolution dans plusieurs coins du monde. Après l’Indépendance, il est nommé directeur du TNA (Théâtre national algérien). Dans la foulée de ces premières années de liberté, où il exista vraiment ce sentiment généreux de servir son pays par tous les moyens physiques, intellectuels et matériels, Kateb a donné au théâtre algérien “Hassan Terro” de Rouiched, “El Khalidoun” de Raïs Abderrahmane, “Anbaca” de Réda Houhou ainsi que “Le cadavre encerclé” et “L’homme aux sandales de caoutchouc” de Kateb Yacine. En 1972, son aventure avec le TNA prend fin. Il claque la porte, montrant par-là son désaccord quant à la politique de décentralisation des théâtres. Après un bref passage au ministère de l’enseignement supérieur en qualité de conseiller technique en animation culturel, le revoilà en 1988 au TNA où il réussit, malgré l’atmosphère délétère qui y sévit, conséquemment à l’esprit nouveau-né des prémices d’octobre 88, à mettre en scène deux pièces : “La Maison de Bernarda Alba” et “Bayaâ rassou fi Kartassou”.Le cinéma et la télévision, deux domaines que Mustapha a aussi investi en y laissant son empreinte. Ne se contentant pas de travail de réalisation, il va tenir plusieurs rôles d’acteur tant au cinéma qu’à la télévision. On lui doit aussi la création, en 1965, de l’INADL (Institut national d’art dramatique et chorégraphique) de Bordj El Kiffan d’où sont sorties les élites du théâtre algérien. Il décède en 1988, le 28 octobre, dans un hôpital de Marseille. La même semaine, un autre géant s’éteint, il s’agit de Kateb Yacine.
Boualem B.
