74 citoyens face au fait accompli

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Dix-huit mois après avoir quitté leur bidonville, pour se réfugier momentanément dans un autre érigé à la hâte quelques centaines de mètres plus loin, les soixante-quatorze familles de la cité dite de “Gendarmerie” de Tizi-Ghennif ne seront pas au bout de leur peine mais leur calvaire est attisé de plus belle. En effet, alors que la destruction de leurs anciennes masures, et la préparation du terrain pour accueillir leurs nouvelles habitations, a pris beaucoup de retard, les familles recasées pour certains dans les hangars de l’ancienne CAPCS alors que d’autres se sont suffi de tentes ou de gourbis ont pris leur mal en patience tout en rêvant de ce beau jour prochain où ils pourront pénétrer à l’intérieur de belles maisons, comme ces “éléphants” du poème de Leconte de Lisle, ils se disent peu importe, le froid ou la canicule, et toute cette misère, il faut savoir souffrir et patienter puisque le bonheur n’est pas loin.Malheureusement, ce bonheur s’éloigne et a pris des ailes surtout avec l’arrivée de cette correspondance émanant du chef de daïra datée du 16 juin 2006 dont le contenu commence ainsi : “J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir vous prononcer de manière définitive avec un engagement écrit, signé et légalisé sur votre capacité selon le prix prévisionnel du coût du logement semi-fini en clos et couvert qui sera fixé entre 750 000 et 94 600 dinars en TTC avant le 25 juin 2006. Le coût définitif sera arrêté par une commission ad hoc…”. Il n’est pas difficile d’imaginer l’effet de cette douche froide sur les malheureux pères de familles, dont la majorité vit de mendicité. “Nous savons que nous n’avons jamais eu de chance et elle n’est pas prête de nous sourire”, nous déclare le président de l’Association de la cité “Gendarmerie” qui ajoute qu’actuellement, il est en train de collecter les engagements transmis par la daïra pour les faire retourner à l’expéditeur alors qu’il a pris le soin de saisir tous les responsables concernés sur ce retournement qui est la preuve qu’ils ont été mené en bateau et que les promesses tenues n’étaient que des paroles en l’air. “Comme la misère semble ne pas vouloir nous quitter, nous allons repartir à zéro, nous allons retourner sur l’emplacement de nos anciens gourbis pour en ériger d’autres, mais nous n’allons jamais leur céder le terrain !”, nous déclare dépité un autre citoyen. Peu avant de terminer notre entretien avec le président de l’association, deux citoyens, sourire au lèvres, s’approchent de nous pour nous faire des confidences. “On nous demande de payer au moins 75 millions, est-ce qu’ils croient que tous les Algériens perçoivent leurs salaires ou des avantages dont ils jouissent ? Nous sommes prêts à jurer sur le Saint Coran que nous n’avons jamais eu entre les mains ne serai-ce que ce petit million qui ne compte pas alors pour les 75 millions, nous essayons de rêver mais nous les voyons pas”, finissent-ils de dire en éclatant d’un fou rire sincère venant du fond du cœur. Le bonheur n’est-il pas de rire de son malheur ?

Essaid N’Aït Kaci

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