L’Etat face à son devoir

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Si les postulants ne se bousculent pas au portillon de la privatisation de la société de panneaux et signalisation ENPS, c’est que le principe de précaution préserve les potentiels acquéreurs de la position de recel d’un bien spolié et, par conséquent, des lourdes et coûteuses tracasseries découlant d’une propriété en litige depuis de longues années. La balle est maintenant dans le camp des vrais décideurs pour étudier et enquêter en profondeur sur l’affaire dite Ould El Hocine-ENPS. Cette affaire, dont la teneur occultée est celle d’affaire d’Etat, peut véritablement rehausser la crédibilité de l’Etat algérien en cas de restitution du bien au propriétaire légitime et, sur la lancée, réhabiliter l’aura de la justice algérienne, qui s’est distinguée tout au long des procès et des péripéties juridiques, par des épisodes qui l’honorent et d’autres qui l’éclaboussent. Les commanditaires de cette spoliation, qui sont les ennemis de Ould El Hocine, l’industriel patriote, donc les ennemis du développement et de la patrie, ont usé, pour arriver à leurs fins, d’artifices dignes de films de série B, comme l’usage de la falsification et toutes formes de manipulations et de pressions. Les tours de passe-passe ont malheureusement, malgré tous les documents qui attestent du contraire, convergé vers le passage en force de l’amalgame entre la société de Ould El Hocine, l’EPSR, et les établissements Van Rossem, alors que la confusion, pourtant flagrante, est autant temporelle, puisque ces étrangers avaient déjà fui le pays pour dette fiscale, que spatiale, puisque, tout simplement, ce n’est pas du tout le même lieu. De rebondissement en coup de théâtre, l’affaire suscite l’intérêt des observateurs, dont certains s’impliquent directement, à l’instar de personnalités de l’envergure de Benchérif, Cheloufi, Mechati et autres grandes figures nationales ainsi qu’une pléiade de ténors du barreau rompus aux arcanes des grands contentieux de propriété. Le soutien solidaire vient aussi de nombreux intellectuels et hommes de presse qui ont pris fait et cause pour le triomphe de la vérité et l’arrêt de l’injustice qui frappe un héros de la guerre de Libération, qui continue à rendre service à son Algérie en qualité de créateur de richesses matérielles et d’emplois. Son sacrifice n’attendait aucun renvoi d’ascenseur, mais de là à se retrouver lésé par le même Etat qu’il a contribué à réinstaurer en le libérant, avouez qu’il y a de quoi crier à la pire ingratitude, voire au crime de parricide d’un Etat envers un de ses géniteurs. Ce long combat d’un David armé juste de son bon droit et de la force de ses principes face à un Goliath puissant, sournois et tentaculaire, a valeur de modèle de persévérance et d’abnégation pour tous les citoyens en proie à l’injustice et au déni de droit. Cependant, ces nobles impacts concomitants au combat de ce lutteur au long cours qu’est Ould El Hocine, impacts qui restent abstraits, n’auront de sens véritable qu’avec la restitution concrète de ses biens mobiliers et immobiliers dont il a été spolié il y a plus de vingt cinq ans. L’observateur le plus neutre et impartial estimera qu’il y a dans cette affaire trop de décisions anormales, de verdicts prononcés sur la base de faux documents encore pendants devant la justice, trop d’écarts par rapport au respect de la chose jugée et à l’exécution des décisions de justice, notamment celle de la restitution des biens, bref, trop de choses louches, pour ne pas interpeller la conscience des plus hautes autorités du pays pour la mise en place d’une commission d’enquête qui aura assez de liberté et d’autorité pour tout remettre à plat, après l’écoute de toutes les versions. L’histoire de la justice mondiale regorge d’exemples de graves erreurs judiciaires dont les victimes ont été réhabilitées et les préjudices réparés plusieurs décennies plus tard, c’est-à-dire trop tard. Mais l’Algérie ne pourra que très difficilement digérer une réparation tardive (n’ayons pas peur des mots, post-mortem) du préjudice moral et financier subi par Ould El Hocine. Cette échéance de réhabilitation étant irrépressible et inéluctable, autant la prendre en charge dès aujourd’hui. L’Etat algérien, par ce travail d’exorcisme qui le lavera d’un péché à double vecteur politique (sur fond d’écriture de l’Histoire) et matériel (en vérité, c’est le terrain de Chéraga qui intéresse les tireurs de ficelle), n’en sortira que grandi et honoré dans sa dignité d’Etat qui protège ses citoyens face à la voracité des politiciens mafieux et insatiables. A chaque fois que pointe le découragement, montent en contrepartie des lueurs d’espoir. La patience est une noble vertu, mais devant la levée d’un déni de droit, l’Histoire est pressée.

Nadjib Stambouli

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