Des collines aux mosaïques historiques

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Surplombée par la chaîne montagneuse du Djurdjura, la localité occupe une superficie de 3 425 ha (35 km2) pour une population approximative estimée à 6.000 habitants. Son relief est constitué d’une succession de collines entrecoupées par des sites naturels exceptionnels lui offrant un caractère touristique indéniable.Les Ath Yanni tirent leurs origines des tribus « Zouaouiyen » (Izwawiyen), d’après Ibn Khaldoun, dans l’histoire des Berbères (1352-1406). Ils sont composés des tribus des « Ath Rbah », des « Ath Ouacifs » et des « Ath Yanni ». Ces trois tribus, selon les historiens, habitent de petites villes bien bâties. Leurs populations varient entre 70 et 300 habitants, où chaque tribu est bien organisée et conservée. Des populations qui étaient également, selon ces historiens, développées notamment par leurs diverses activités industrielles qu’elles exerçaient à l’époque. Des pièces et sites archéologiques ayant été découverts, témoignent de la fascination des populations anciennes des At Yanni à l’armurier et à l’orfèvrerie ainsi qu’aux petites industries diverses. Les centres d’habitations des At Yanni sont concentrés, jusqu’à nos jours, d’ailleurs, dans sept villages érigés sur des collines. Il s’agit de Taourirt Mimoun, Taourirt L’hadjadj appelé aussi Takhabit, Ath Lahcen, Ath Larbâa, Tigzirt, Agouni Ahmed et Tansaout. Mais les centres les plus anciens sont Taourirt Mimoun, Ath Larbâa et Ath Lahcen qui constituaient les Ath Betroune. Leurs regroupements sont opérés sous l’égide de Sidi Ali U Yahia. Ce fut un saint duquel les marabouts de Taourirt Mimoun revendiquent la descendance. Sidi Ali U Yahia, était un guerrier et diplomate en même temps. Il serait venu de Sakiat El Hamra, du Maroc, aux environs de l’an 1600. « Il entraîna les At Yanni vers leur victoire définitive sur les At Ouacifs contre lesquels ils entretenaient des relations hostiles et belligérantes », notent les historiens.

Les légendes des At Mimoun Les At Mimoun entretiennent des légendes aussi étonnantes qu’elles paraissent plus mythiques que véridiques, sur l’origine de leur descendance. Ainsi, l’on parle d’une époque où le village était frappé par une forte peste qui extermina ses habitants. Un jour, un homme de ce village descendit à la rivière sur le dos d’un mulet et il rencontra un vieil individu à la tête nue portant une très longue barbe. Le vieil homme tenait un bâton à la main et était pieds nus. Un entretien s’est enclenché, dés lors, entre les deux hommes :“Descends ! Je vais monter ; je vais à Taourirt”, lui dis le vieil homme.- De quelle famille est-tu ?, lui répliqua le cavalier.- Mon nom est Mimoun, répond le vieux.- Non, juif ! Tu es donc juif ? s’exclama le cavalier avant de décliner- Moi, c’est Kaci, je suis musulman….La légende raconte que Kaci n’était point quelqu’un de bien, mais il a accepté quand même de prêter son mulet à l’étranger. Depuis, la peste a disparu du village…. Et Taourirt est devenue Mimoun…. La peste ne reviendra jamais, raconte aussi la légende. Une autre légende, celle de « Sidi L’mouhoub Ouali et la mosquée de Taourirt Mimoun », qui raconte que le Saint a transformé le Bey en une femme. La mosquée de Taourirt Mimoun fut édifiée à partir du XVIe siècle, c’était à l’époque Turc. Elle fut construite par Sidi L’mouhoub Ouali, fils de Sidi Ali U Yahia, un homme Saint également qui était venu s’installer dans ce village alors qu’il adorait prier et méditer. L’on raconte, par ailleurs, que les citoyens de ce village, bien qu’ils soient accueillants et possédant la bonne manière pour recevoir les inconnus, ils ne se gênent pas de faire subir le mal aux étrangers, car, aussi contradictoire que cela puisse paraître, ils admettent mal la présence d’étrangers en leur milieu, raconte t-on également. Ce fut ainsi la raison pour laquelle, Sidi L’mouhoub hérita d’un don du ciel (la baraka du Dieu) et de son père par laquelle il a fait miracle de maudire ces gens-là en les faisant souffrir de misères et de maladies. Une situation de désolation qui amènera les citoyens de Taourirt Mimoun à demander pardon au Saint (Ouali). On racontait aussi que Sidi L’mouhoub faisait le commerce d’armes à Alger. Un jour, des soldats turcs conduits par le Bey, apostrophèrent le Saint et demandèrent à savoir ce qu’il transportait avec lui. Sidi L’mouhoub se saisira d’une poignée de poudre qui fut transformée en couscous puis la montra au Bey. Cette « rencontre » donnera lieu à une sympathie entre le Bey et le Saint. Celui-ci sera d’ailleurs invité par le chef turc à un dîner chez lui. Le Bey était nourri d’une mauvaise intention puisqu’il lui prépara un chat comme souper. Sidi L’mouhoub reconnu l’odeur de « la viande » qu’il caressa de sa main avant de prononcer : « Esseb ! » (va-t-en !) Et le chat s’enfuit. Puis le Saint transforma le Bey en une femme… ! Celui-ci supplia le Saint de lui redonner sa forme…. Et comme reconnaissance à ses pouvoirs « magiques », le Bey lui construira une mosquée à Taourirt Mimoun dont le matériau fut importé du Maroc, telle la porte, la faïence, les colonnes et les chapiteaux. La mosquée, restée intacte à nos jours, est bâtie entre le quartier des marabouts et celui des Ath Mamer (Mammeri). Aux origines des autres tribusLes premiers occupants du village des At Lahcen sont les At Attelli, venus de Larbâa Nat Irathen, les migrants de Nezlwa venus du sud de Djurdjura et les migrants de Awrir Uzemur d’Akbil. Les Ath Lahcen furent le village le plus peuplé et le plus riche des At Yanni. Leur village contient plusieurs ateliers de fabrication d’armes et de bijoux. Quant aux Ath Larbâa, ils sont originaires de la Kabylie maritime. Ils sont composés des Ath Frawsen et des Iflissen qui sont à l’origine Ath Qayed d’Iflissen. Les autres composantes de ce village sont de Béjaïa (Qalâa d’Ath Abbas) venus en réfugiés de la guerre entre le roi de Koukou et la Qalâa. Taourirt El Hadjadj se nomme également Takhabit est bâti au lieu dit El Djamâ n’Tkhabit appartenant à la dynastie (L’arch) Oubelkacem. Celui-ci est composé des tribus de Takhabit, Ath Arbah, Tassaft Ouguemoun et At Ali Ouharzoun, appelée jadis Taourirt Ath Ali. Takhabit a connu deux guerres qui ont duré quatre ans (1616-1620), selon Belkacem Ben Sedira. Dés lors, le village se partagea en deux softs : les partisans de l’union avec les Ath Yanni et les partisans de l’union avec les At Ouacifs. Sidi Ali U Yahia rebâtit le village et prendra le nom de Taourirt El Hadjadj (L’éperon des pèlerins).Le village Tigzirt est bâti sur un terrain offert par Sidi Ali U Yahia à des réfugiés d’At Abbas des Ouacifs. Quant au village d’Agouni Ahmed, il fut fondé par deux familles de Tassaft (l’arch Oubelkacem), raconte-t-on. Tansaout e avait été fondé par Sidi Ahmed Uzegane, homme Saint venu des Ouacifs.

Sites et vestiges historiques des Ath YanniPlusieurs sites archéologiques ont été découverts dans les villages d’Ath Yanni. Des traces qui témoignent du passage des turcs dans la localité mais aussi de leur installation et du développement des activités économiques, entre autres. La mosquée de Taourirt Mimoun reflète aussi de l’intérêt accordé à la religion dans le village et les villages environnants à cette même époque. Elle fut édifiée à partir du XVIe siècle Taourirt Mimoun par Sidi L’mouhoub Ouali fils de Sidi Ali U Yahia. Mouloud Mammeri a été le premier qui a pris conscience de protéger et de sauvegarder ce merveilleux monument, dont il a refait la charpente de la mosquée. Elle a été restaurée en 1997, dont les rares modifications ont été opérées avec attention, selon Melle Ouahioune Saliha, fonctionnaire à la direction de la culture de la wilaya. Celle-ci nous précisera que les travaux engagés sont très timides eu égard à la rareté de certains matériaux originaux, telle la faïence. Notre interlocuteur ayant établi sa propre fiche technique, signale, par ailleurs, que la mosquée n’est toujours pas classée patrimoine historique. Les turcs ont utilisés des matériaux que recèle la localité à l’instar de la pierre, la brique, l’argile, le bois ainsi que de la chaux mélangée à de la terre. Quant aux accessoires intrants, les Ottomans ont dû recourir à l’importation du Maroc à l’exemple des colonnes et les chapiteaux. C’est, en somme, un chef-d’œuvre architectural et un monument historique des plus fabuleux, que nous avons pu voir lors de notre visite sur les lieux. Les villageois que nous avons rencontrés sur place n’ont pas caché leur fierté d’avoir un tel site au sein de leur village. D’autres monuments historiques, non encore découverts, d’autres pas encore identifiés ou répertoriés, sont éparpillés dans les villages d’Ath Yanni, notamment les nombreuses fontaines construites à l’ère ottomane. Des fontaines aménagées en des bains (hamame). Néanmoins, au village Ath Larbâa, les traces d’une autre mosquée datant de l’époque turque sont répertoriés. Cette bâtisse de culte a été brûlée par les français lors de la prise du village, le 25 juin 1857. L’unique trace qui reste intacte est la porte principale de cette mosquée, évoquée d’ailleurs dans “notes et documents concernant l’insurrection de 1856-1857 de la Grande Kabylie » du colonel Robin.

M.A.T

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