Bien que tout commence « gratuitement » par des regards et se cultive ensuite par des “je t’aime”, mettre fin à une relation discrète, ne pas vivre en concubinage, religion oblige, autrement dit se marier n’est pas une mince affaire. Qu’ils soient de Kabylie ou d’autres régions, se marier dans notre pays équivaut à un investissement sérieux et nécessite des moyens colossaux. Une longue liste d’objets et de désirs (exigés de la part de la future femme, et parfois de sa belle-famille) est soumise, hélas, au mari. De la parure en or, jusqu’aux meubles de style en passant par les vêtements super-chics, sans omettre un féerique voyage de noce avec une inoubliable soirée pour le précéder. Si les maris appartiennent à la classe moyenne, les dépenses seront certes moins chères mais restent hors de leur portée. Une virée dans les salles de fêtes, les salons de coiffures et les bijouteries de la capitale et ses environs, nous édifie sur la saignée qui attend les futurs mariés concernant les coûts du mariage. Afin de suivre le rite musulman, qui n’est pourtant qu’une simple démarche, consistant en la préservation des générations de tous les fléaux sociaux, beaucoup de maris, à leurs corps défendant, vont faire (il y a ceux qui l’ont déjà fait) les acrobaties les plus spectaculaires pour pouvoir organiser un « bon mariage”, voire un mariage de luxe. Peu importe si l’on doit hypothéquer les jours d’après, mais il n’est nullement question d’ignorer ces dépenses qui ne sont jamais perçues comme facultatives (trop de bijoux et une salle de fête de luxe, etc.) pourtant comprises par tout le monde, et explicitée par les exégètes de l’Islam, mais bien comme des impératives dépenses pour plaire à tous les invités. Beaucoup de familles (celles de la jeune femme évidemment ) profitent de cet état de fait pour sauter à pieds joints sur l’occasion de prendre à contre-pied leurs belles-familles en plaçant la barre très haut, fixant par exemple les prix de la dot à des seuils quasi inabordables. Si le monsieur est plein aux as, la liste des caprices s’allongera de quelques centimètres et elle obtiendra gain de cause. Dirigeons-nous sur les salles des fêtes pour voir combien celles-ci coûtent et combien les mariés ont approximativement dépensé durant seulement quelques heures avant la nuit de noce.Décidément le » phénomène » des salles des fêtes ont encore de beaux jours dans notre pays. En effet, pour célébrer dignement des fiançailles ou un mariage, qui resteront à jamais gravés dans la boite à souvenir de la famille. Beaucoup de familles ont souvent recours à ces salles. D’autant plus qu’un mariage dans un endroit assez chic conforte la réputation des époux. Celles-ci n’exigent pas un prix forfaitaire, mais souvent en fonction des sièges. Ali, gérant d’une grande salle des fêtes au centre d’Alger, nous a déclaré que le prix de location d’une salle de fête dépendra du nombre de chaises. « Chez nous, on réserve environ 300 places à raison de 300 DA l’unité. Le payement se fera par tranches. La première lors de la réservation et la seconde à une semaine du mariage”. Mais il a tenu à préciser que « les maris sont tenus de réserver un mois ou deux à l’avance, pour pouvoir trouver une journée de libre ». En clair, la location d’une salle de fête coûtera environ 70 000 DA. La salle offrira gratuitement le thé, le café et la limonade. 300 tasses et pas une de plus! Mais comme il n’y a pas de fête sans musique, les époux feront appel simultanément dans leurs salles respectives aux services d’un disc-jockey moyennant le prix de 5 000 DA la soirée. Pour les prétentieux, un groupe de chanteurs fera l’affaire mais coûtera les yeux de la tête. Comme les invités ne seront jamais satisfaits par les boissons uniquement, des gâteaux seront obligatoirement associés. Ceux-ci, s’ils sont préparés à la maison, coûteront moins chers. Si c’est le pâtissier du coin qui s’en charge, les familles auront un zéro souci au compteur mais plusieurs zéros suivront le chiffre choc porté sur la note. Avant d’en arriver là, les couples doivent honorer une kyrielle de dépenses. L’époux pensera obligatoirement à la location d’une Mercedes pour le cortège. En passant chez le fleuriste, le mari doit prendre des bouquets de fleurs pour « habiller » la voiture de sa dulcinée. Ces bouquets coûteront environ 3 000 DA. Quand à la mariée, elle doit se rapprocher des magasins pour acheter la robe du mariage, ou faute de moyens, la louer. Le prix flotte varie 6 000 et 10 000 DA. La princesse doit inévitablement passer entre les mains d’une coiffeuse, pour paraître davantage plus belle. Avec un maquillage et une coupe à la mode, le montant tourne autour de 8 000 DA. Ce qui mérite d’être signalé, est que malgré ce que la princesse est en train de vivre avec ces moments inédits dans sa vie, le passage chez la coiffeuse reste une étape insupportable, voire très délicate, et pour cause le jour J, le salon de coiffure se taillera la part du lion en s’accaparant la plus grande partie du temps. Selon la responsable d’un salon de coiffure à Bab-Ezzouar la lenteur est due « trop de demandes de la part des mariées, surtout en été ». En effet, la plupart des mariages se font en été pour éviter que la pluie ne vienne interrompre la cérémonie tant attendue par les invités et les concernés. Il est vrai que de telles folies que la plupart des gens se permettent de faire, ne garantissent jamais la réussite du mariage. Plusieurs couples se rendent quelques mois après chez les autorités compétentes pour… divorcer. De toute manière et quoi qu’il en soit, et malgré la fébrilité et la tension qu’affichent les magasins et les marchés de légumes, l’on ne ménage aucun effort pour satisfaire précisément son bien-aimé(es), et lui « prouver » davantages son amour. Enfin, le mariage coûtera dans notre pays, à l’instar des autres, les yeux de la tête. Des sommes d’argent épargnées pendant des années qui précèdent la nuit de noce, quitte à emprunter auprès des amis pour bien marquer cette date que parfois on oublie très vite. L’adage qui dit après la fête, on se grattera la tête a bien raison, non ?
Salah Benreguia
