Tamaghra ou Ghilas ressucitée

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C’est l’été. On ne parlera pas seulement de chaleur, mais beaucoup plus des fêtes : circoncisions, fiançailles et mariages. Chacun a sa propre façon d’accueillir ses invités. Chez nous, en Kabylie, tous les styles sont tolérés, mais les plus nostalgiques crient fort leur déception, car la chanson kabyle a cédé sa place à d’autres styles notamment le raï. Dans nos villages, même les plus reculés, dans toutes les fêtes, à quelques exceptions près, c’est sur fond de voix venues d’ailleurs que les jeunes dansent des nuits et des nuits. Fort heureusement, des tubes kabyles font encore leur petit bout de chemin en dépit des années passées. On citera ici un tube de Meziane Aghilas de son vrai nom Attar Meziane. Tamaghra ou Ghilas, cette chanson est ressuscitée. Effectivement, elle est proposée toujours en must quel que soit le style choisi.Rencontré, l’auteur de ce tube mythique n’a pas caché son émotion : “En l’écoutant dans toutes ces fêtes familiales, cela me rappelle de grands souvenirs. Et finalement, c’est après plus de vingt-trois ans que je découvre qu’un produit bien fait ne meurt jamais”. Et de continuer : “Les jeunes qui dansent aujourd’hui sur le rythme de Tamaghra ou Ghilas n’étaient pas encore nés quand je l’ai enregistrée en 1983, car cette version je l’ai quelque peu arrangée dix ans après”. Meziane Aghilas fait partie de cette race de chanteurs qui ne font pas de la chanson leur gagne-pain. C’est dans le sillage des artistes les plus connus durant ces années lesquelles, disons-le, étaient les années d’or de la chanson kabyle, que notre artiste avait entrepris cette œuvre colossale. Après avoir enregistré deux autres produits à la fin des années 90, Aghilas s’est éclipsé pour deux raisons essentielles : contraintes familiales et insécurité.Il nous a dit à ce sujet : “Durant des années, on aurait dit que la vie s’était arrêtée. Alors que je ne pouvais ni composer ni écrire car des montagnes de malheurs s’étaient abattues sur nos villes et villages”. Sachant que ses fans attendent d’autres œuvres de lui, notre chanteur a repris le chemin de la scène. En dépit du poids des années, Aghilas a tant clamé Tayri sous toutes ses formes. Ainsi, il nous a confié qu’il a débuté un nouvel album dans lequel il reviendra comme à l’accoutumée sur les petites misères de son peuple, mais aussi sur l’amour. L’artiste considère que ce dernier album sera le couronnement d’un long travail de réflexion et de longue haleine. Désormais, il s’intitulera : Atimghuragh thatnami tamyri, c’est-à-dire “je grandis et mon amour grandit” tout en m’accompagnant. Pour dire que les jeunes ne le connaissent pas, mais cependant fredonnent ses chansons, notre chanteur nous raconte cette anecdote : “Alors que je m’étais attablé avec des copains à la terrasse d’un café dans notre village à Mechtras, un jeune me désigne du doigt. Il vint jusqu’à moi et me dit : Ce n’est pas possible, c’est vous qui chantez Tamaghra ou Ghilas”. Je finis par la lui fredonner devant tout le monde, ajoute-t-il. “Et tout à coup, la nouvelle s’est répandue dans toute la ville”, conclut-il. Mais, apparemment ce qui encourage Aghilas à reprendre sa guitare et remonter sur scène est l’immortalité de son premier tube. A ce propos, il nous a fait la confidence que chaque émigré qui venait passer les vacances au bled retournait chez lui avec au moins trois de ses cassettes pour les offrir aux membres de sa famille et ses amis si bien qu’il est contraint à chaque été de demander à son éditeur un autre tirage. Optimiste, Meziane espère qu’un jour la chanson kabyle reprendra sa place chez elle où elle a quelque peu cédé le terrain à d’autres styles ; il reste convaincu qu’elle n’est pas en régression. D’ailleurs, comme lui, ils sont nombreux à aller de l’avant, ceux qui ont fait le serment de reprendre le flambeau légué par tous les artistes qui se sont sacrifiés pour la chanson kabyle.

Amar Ouramdane

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