Le Musée Pouchkine pleure  »ses » Matisse et Picasso partis à l’Ermitage

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Lorsqu’ils ont entendu le ricanement d’un haut fonctionnaire soviétique devant la « Danse » de Matisse, les employés du Musée d’Etat du Nouvel Art Occidental à Moscou ignoraient encore que la dernière heure de leur galerie avait sonné.En pleine tourmente stalinienne, ce musée pionnier d’art moderne fut fermé en 1948, accusé de propagande « bourgeoise » et « cosmopolite », et ses riches collections d’impressionnistes éclatées entre deux célèbres musées de Moscou et Saint-Pétersbourg. Depuis peu, le Musée Pouchkine, qui avait hérité de la moitié des oeuvres, réclame à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg la restitution du reste des tableaux. Ce d’autant plus qu’il vient d’ouvrir une galerie avec les fonds provenant de ces collections. « Ce partage stalinien injuste qui avait porté un coup grave à la culture de Moscou doit être corrigé, et nous espérons que la seconde partie de la collection regagnera bientôt Moscou », affirme la conservatrice du Musée Pouchkine, Irina Antonova. L’ancienne capitale impériale a reçu les oeuvres jugées les plus « séditieuses » par les idéologues soviétiques, tandis que que Moscou se voyait confier les pièces les plus « convenables », raconte Alexeï Petoukhov, collaborateur scientifique du Musée Pouchkine. Ainsi, Moscou a gardé les pièces des périodes « rose » et « bleue » de Pablo Picasso, et l’Ermitage ses oeuvres « cubistes ». Les collections de Paul Gauguin et d’Henri Matisse ont été divisées suivant le même critère. Mais le conservateur de l’Ermitage, Mikhaïl Piotrovski, est loin de partager le point de vue de ses confrères moscovites même s’il peut se targuer d’être à la tête d’une des collections de peintures et d’objets d’arts les plus riches du monde. Dans les années 20, l’Ermitage a dû sacrifier « quelque 200 chefs-d’oeuvre, dont deux Boucher, deux Watteau, trois Poussin, six Rubens, autant de Rembrandt » au bénéfice d’autres musées de l’Union soviétique, rappelle-t-il. « C’est d’ailleurs grâce à ces dons que le Musée Pouchkine est devenu un vrai musée d’art », assure-t-il. Maintenant « nous sommes quittes », conclut-il. Mais le Musée Pouchkine, qui a de nouvelles ambitions à l’échelle de sa renommée croissante dans le monde, n’en démord pas. Il veut aussi mettre mieux en valeur sa nouvelle « Galerie de l’Art des Pays européens et de l’Amérique des XIX-XXe siècles », ouverte le 2 août et qui présente les tableaux dont il avait hérité en 1948. Quelque 400 oeuvres, acquises par les amateurs d’art Ivan Morozov et Sergueï Chtchoukine avant la Révolution, nationalisées par Lénine en 1918 puis cédées au Musée d’Etat du Nouvel Art Occidental, sont dorénavant exposées dans un bel hôtel du 17e siècle, tout à côté du Musée Pouchkine. Le public peut découvrir des salles entières consacrées à Henri Matisse, Paul Gauguin ou Paul Cézanne et des oeuvres dont certaines n’avaient jamais été exposés au Musée Pouchkine telles la « Danseuse » d’Edgar Degas et « Portrait de Femme » de Matisse (1936).

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