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Le suicide, un phénomène qui fait peur

Chaque jour qui passe notamment en été, les familles ont peur pour leurs enfants car ce phénomène tout à fait nouveau dans notre société pousse facilement la porte de n’importe quel foyer pour y faire rentrer le deuil. Le suicide, l’a-t-on constaté, touche de plus en plus, toutes les couches de la société algérienne. Il suffit de faire un tour d’horizon dans la presse nationale pour y recenser le nombre de cas enregistrés chaque jour. La Kabylie n’est pas épargnée par ce phénomène qui pourtant était inconnu jusqu’à la fin des années 70. Malheureusement ces dernières années, certains disent que se donner la mort représente un acte de bravoure. En quelque sorte le candidat au suicide juge qu’il ne s’agit là que d’un défi relevé par rapport au malaise social qui ronge de plus en plus une société en perte de repères. La région de Tizi-Ghennif tout comme celle de Ain El Hammam dans la wilaya de Tizi-Ouzou est connue pour le nombre de personnes qui se sont volontairement donné la mort ces dernières années. A ce sujet, nous avons recouru aux informations publiées par les journaux concernant cette localité pour faire le décompte. Entre 1999 et le premier trimestre de l’année en cours, pas moins d’une soixantaine de citoyens ont été donnés comme suicidées. Dans cet ordre d’idées, il nous a été donné de relever qu’il n’y a pas d’âge précis pour cet acte. Certes, on parle beaucoup plus de jeunes chômeurs ou de personnes mariées ayant perdu leurs emplois après la fermeture des entreprises. Mais comment expliquer qu’un enfant de onze ans choisisse de mettre fin à ses jours par pendaison dans la salle de bains ?Aujourd’hui, il est temps de faire une étude sérieuse sur ce phénomène. Car, dans la plupart des cas signalés, on publie la nouvelle tragique et, puis plus rien. Parfois, et de façon sporadique, il existe tout de même quelques voix qui essaient de répondre aux interrogations, mais rien n’est publié à ce propos. Des imams, de leur côté, tentent de sensibiliser les jeunes, mais l’écho n’est pas favorable. Dans les pays développés, si dix cas sont enregistrés sur une population de cinq cents mille habitants, ce serait un drame. Quand le deviendra-t-il chez nous où ce nombre est atteint pour une seule daïra durant seulement un semestre ?A entendre certains avis de personnes impliquées dans la recherche des causes de ce phénomène ravageur, cela n’est pas dû au hasard. Il y a de nombreux facteurs favorisant cette hécatombe. Ceux qui osent s’exprimer à ce sujet estiment que les deux causes principales sont liées étroitement au chômage et à l’échec scolaire. “Dès le début des années 90, notre société a subi une véritable mutation sans que rien ne soit fait pour qu’il y ait une adaptation aux nouvelles donnes”, tel est le raisonnement d’un psychologue qui a requis l’anonymat avant d’être plus explicite. “Les 80% de la population vivent dans une précarité avancée, notamment dans les villages. Certains jeunes préfèrent l’isolement surtout quand ils voient d’autres camarades issus de familles aisées s’empiffrer et vivre une vie meilleure”, a-t-il dit. Et d’ajouter : “l’échec scolaire est l’autre cause déterminante de tous ces candidats au suicide”. Il est vrai que cette mutation rapide a fait que la famille a fini par se disloquer pour laisser un vide d’affection entre les membres la composant. Par manque de prise en charge, place est laissée au basculement. D’autre part, des psychologues activant au niveau de certaines associations ont déduit qu’il existait aussi une incidence du divorce avec ce phénomène. “Après l’échec du mariage, de nombreuses femmes ont choisi de se donner la mort car elles sont généralement jetées dehors.”“Dès que l’étau se resserre sur elles, c’est le désespoir”, dira cet autre membre d’une association sociale. Les quelques indices que nous avons sur la somme de tous ces suicides sont inhérents aux mauvaises conditions de vie des uns et des autres. Les adhérents du centre Lewhi de la Ligue de prévention de la wilaya de Tizi-Ouzou ont programmé des sorties dans les villages pour sensibiliser les citoyens sur ce phénomène. Si le nombre de cas va crescendo, celui des tentatives n’est pas aussi insignifiant qu’on le pense. Le nombre est lui aussi important. Et c’est d’ailleurs par rapport à ce dernier que le travail de sensibilisation portera. En somme, la situation est alarmante. Aussi, l’organisation de journées non-stop dans les villes et villages devient, sine qua non pour éviter d’autres malheurs. Et la multiplication des cellules d’écoute est de mise, en vue de cerner tous les problèmes qui conduisent à cette issue sans retour. En clair, le feu est dans la demeure, il est temps que chacun réagisse de son côté.

Amar Ouramdane.

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