Nos villes, une à une, commencent à devenir inexorablement des asiles à ciel ouvert. Sinon, comment comprendre que dans des régions qui jusque-là ne connaissaient pas encore un tel phénomène et où seuls deux à trois mendiants se tenaient devant les boulangeries demandant l’aumône, il nous a été donné de constater que par exemple la ville de Draâ El-Mizan, tout comme bien d’autres, est un fief pour ces personnes ?Le décor est pour le moins des plus désolants. Enfants, vieux et vieilles s’allongent de tout leurs corps dans certain lieux de la ville telle par exemple la mosquée. A l’origine de cette situation, on peut tout de même évoquer au moins trois facteurs : chômage, problèmes conjugaux, abandons familiaux. Chaque jour, qu’il fasse chaud ou qu’il pleuve, le passant est confronté à certains comportements qui heurtent sa sensibilité. Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Où repartent-ils ? C’est la kyrielle de questions que se pose tout un chacun. Si les personnes du troisième âge se contentent quelques fois de baguettes de pain que leur donnent les passants, les autres mendiants recourent à tout leur “professionnalisme” pour solliciter les citadins ou autres de leur donner de l’argent. De jeunes femmes débarquent chaque matin avec des bébés. Celle-ci sont plus expertes que tous les autres. Mais réellement, il est difficile de comprendre la situation de chacune d’elles. D’ailleurs, même si elles arrivaient tout de même à profiter de la générosité des uns et des autres, surtout en raison de ces petits potaches tout déguenillés qu’elles tiennent sur leurs bras, cela ne voudrait pas dire que “ces enfants” sont les leurs, car à Tizi-Ouzou, par exemple, certains habitants qui avaient suivi les déplacements de telles femmes ont pu tous s’apercevoir que ces mômes n’étaient utilisés qu’à ce dessein. A Boghni, on nous a fait savoir que ces mendiantes peu commodes venaient de Bouira à bord de fourgons et repartaient chaque soir sous un autre “look”. D’autres disent que parmi ces mendiants, il y a même des personnes qui touchent des pensions. Même si, comme le dit le proverbe, “les bons paient pour les mauvais”, il y a tout de même lieu de dire que ce ne sont pas toutes de “fausses mendiantes” car, de nos jours, certaines femmes divorcées n’ayant aucune rente se versent dans la mendicité notamment quand elles ont à charge des enfants en bas âge. Une autre stratégie est utilisée : Combien de fois avons-nous vu des personnes allongées à même le sol tenir une ordonnance ? En tout cas, les utilisateurs arrivent tout de même à soutirer une pièce de monnaie de la poche des passants. Si nous avons évoqué ce sujet, ce n’est peut-être pas pour dire que dans notre société il n’y a pas des personnes qui sont dans le besoin, mais c’est pour attirer l’attention de ceux censés protéger et identifier ces personnes en vue de leur venir en aide dans un cadre bien organisé parce qu’en principe les services sociaux doivent engager un travail dans ce sens. Aujourd’hui, vu l’ampleur de ce phénomène, il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie ou en d’autres termes, le “vrai” mendiant du “faux”. Il y a une chose qu’il ne faudrait pas perdre de vue : notre pays, et par ricochet les municipalités, manquent d’infrastructures spécialisées qui devraient normalement se charger de cette frange de la société. Au moment où sous d’autres cieux le problème des SDF fait l’objet de discussion au niveau du Conseil des ministres, chez nous, malheureusement, ces personnes sont marginalisées, souvent servant de proies à tous les vices allant de suicide en suicide, en passant par la prostitution.
Amar Ouramdane
