Le gouvernement renforce la législation

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Par une ordonnance signée par le président de la République le 15 juillet dernier et publiée dans la dernière livraison, le numéro 47, du Journal Officiel, les pouvoirs publics entendent prendre sérieusement en charge le très complexe problème des espèces animales menacées de disparition dans les différentes zones écologiques d’Algérie. En effet, le constat d’une baisse graduelle de la fréquence de certaines espèces dans des milieux où ils évoluaient habituellement-biotopes-, a été fait il y a plusieurs années. Du garde-forestier jusqu’au simple flâneur, en passant par la corporation des chasseurs et des passionnés de la nature, tout le monde a pu s’apercevoir de la régression des espaces vitaux où, naguère, pullulaient tritons, grenouilles, hérissons, perdreaux et autres curiosités animalières. Dans les forêts, les maquis, les mares, les lacs et autres milieux de vie, le nombre et les espèces d’animaux ne font que reculer. Un déséquilibre écologique est à craindre, particulièrement lorsqu’on sait à quoi sont réduits les tissus forestiers au cours de la décennie de terrorisme et de lutte anti-terroriste. Dans un grand nombre de bois, il n’y a que le sanglier et le chacal qui manifestent leur présence, parfois même d’une façon insolente et dangereuse. L’ordonnance qui vient d’être promulguée dresse une liste non exhaustive d’animaux menacés de disparition tout en précisant que ladite liste « peut être étendue à d’autres espèces animales menacées de disparition par voie réglementaire ».Les animaux concernés par les termes de l’ordonnance n°06-05 du 15 juillet 2006 sont « les espèces de faune sauvage dont l’existence en tant qu’espèce subit une atteinte importante entraînant un risque avéré d’extinction et qui, de ce fait, font l’objet de mesures de protection et de préservation particulières ». Trois classes animales sont touchées par ces mesures de protection et de préservation : les mammifères (mouflon à manchettes, oryx, cerf de Barbarie, hyène rayée, cinq variétés de gazelle, le fennec, le guépard, le chat des sables et l’addax), les oiseaux (ibis chauve, erismature à tête blanche, faucon crécerelle, faucon pèlerin et trois espèces d’outarde) et les reptiles (tortue grecque, fouette-queue et varan du désert). Le nouveau texte algérien s’appuie sur des articles de la Constitution qui portent sur la préservation et la protection de l’environnement, sur la Convention portant sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction signée à Washington le trois mars 1973 et à laquelle a adhéré notre pays en décembre 1982, et enfin, sur la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage faite à Bonn le 23 juin 1979 et approuvée par l’Algérie en mars 2005. « La chasse des animaux mentionnés sur la liste fixée à l’article trois de la présente ordonnance est interdite par tout moyen », précise le texte réglementaire, qui ajoute que sont également interdits « la capture, la détention, le transport, la naturalisation et la commercialisation des animaux ou parties d’animaux d’espèces menacées de disparition ».La seule dérogation à cette mesure coercitive demeure l’utilisation de spécimens de ces animaux à des fins scientifiques ou de reproduction pour repeuplement. Pour coordonner la politique de préservation et de protection d’espèces animales menacées de disparition, le gouvernement met en place une commission présidée par le ministre chargé de la chasse, autrement dit, le ministre de l’Agriculture. Cette commission sera consultée sur « toutes les questions relatives à la situation générale de ces espèces, leur protection et leur préservation ». Il est également prévu la délimitation des aires dans lesquelles subsistent les animaux menacés de disparition, leurs espaces de reproduction et leurs zones de repos. Dans ces périmètres, il sera procédé à l’observation et à l’évaluation des effectifs des espèces concernées ainsi qu’au suivi de leur reproduction/multiplication. Sur ces questions, un rapport annuel devrait être élaboré et adressé au ministre de l’Agriculture par la commission spécialisée. Les clause répressives de la nouvelle réglementation précisent que les contrevenants- ceux qui seraient tentés par le braconnage des espèces classées comme étant menacées de disparition- sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an à trois ans et d’une amende de deux cent mille à cinq cent mille dinars. En cas de récidive, la peine sera doublée. Le texte n’omet pas de souligner que même les complices seront punis d’emprisonnement et contraints à payer une forte amende. Il s’agit de toute personne ayant permis, facilité, aidé ou contribué, par quelque moyen que ce soit, à la chasse ou à la capture, la détention, le transport et la commercialisation des animaux ou parties d’animaux mentionnés sur la liste fixée à l’article 3 de l’ordonnance. Les aires et zones désignées comme étant des périmètres d’habitat, de reproduction ou de repos de ces espèces sont également protégées, puisque “tout usage, activité, construction ou établissement non expressément autorisé” est interdit. Toute infraction à cette disposition entraîne une peine d’emprisonnement et une amende à l’encontre du contrevenant. Participant des grands équilibres de la nature et des sources de la biodiversité, la faune et la flore sont menacées dans notre pays par une politique de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme qui ne s’est ouverte à la donnée écologique et environnementale qu’au cours de ces dernières années. L’avancée du béton sur des terrains agricoles, les défrichements délictueux et anarchiques des espaces forestiers, les incendies de forêts, la pollution des sources et des espaces de nourriture, sont, entre autres, quelques facteurs qui mettent à mal, sinon annihilent, des centaines de niches écologiques. D’autres lois et règlements censés défendre la nature et les patrimoines naturels- loi forestière, code des eaux, loi sur la chasse, sur l’environnement- ont existé par le passé et sont toujours en vigueur. C’est visiblement leur application sur le terrain qui pose problème comme pour une grande partie de la législation algérienne. Il y a aussi, il faut le souligner, le manque de coordination entre les services et les directions concernés. Alors que la protection de la nature sous toutes ses formes doit être une préoccupation de tout le monde- commune, wilaya, directions techniques et instituts chargés de la protection-, la réalité du terrain est beaucoup plus nuancée puisqu’on retrouve souvent une seule institution sur laquelle sont braqués tous les regards et qui patauge dans de pires difficultés pour des résultats pas toujours brillants. Il faut souligner aussi que l’état de délabrement dans lequel se trouve la forêt algérienne après plus d’une décennie d’une guerre qui ne dit pas son nom a presque annihilé toutes les énergies et abattu les volontés qui étaient à l’avant-garde de la protection de la nature et de la promotion des valeurs de l’environnement. L’espoir d’une réhabilitation des espaces forestiers après les mesures prises pour le repeuplement et la régénération des forêts algériennes, y compris dans le dernier programme Hauts Plateaux approuvé par le gouvernement, est naturellement accompagné de l’espoir de voir se reconstituer et se multiplier les différentes niches écologiques sources de biodiversité.

Amar Naït Messaoud

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