Vision Intime ou Tamughli-Inu, la nouvelle œuvre de Kamel Sabi

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Dans cette œuvre l’auteur nous fait participer au goût mielleux, grâce au conte “rimé” il nous rappele les valeurs essentielles qu’un homme doit garder et adopter pour faire face aux embûches et aux traquenard de ce monde, pour en sortir enfin guéri et triomphant à jamais. Vision Intime, ou Tamughli-inu, est une œuvre aux dimensions diverses, produit propre et pur à l’extraordinaire imagination du jeune auteur. Son inspiration jaillit des valeurs de la culture berbère, mais aussi des qualités connues dans l’histoire des religions, telles la patience et la persévérance du prophète Job. A noter que le jeune auteur a signé en 2003 Lenwail n lebhar ou Les vagues de la mer. En 2004 il a publié Inigan n yidh ou Les témoins de la nuit. Cette nouvelle œuvre est loin d’être médiocre avec les idées, la clairvoyance, et les synthèses combien utiles qu’elle peut apporter à l’esprit du lecteur. Pour donner plus d’espace et d’impact à son livre, Kamal a eu l’ingénieuse idée de le traduire dans un premier temps en langue française. Le traducteur Mohamed Melaz y a apporté sa touche en accompagnant Kamal dans ses pensées et émotions profondes. Il a en effet su traduire à la fois le contenu et l’esprit de l’œuvre. Un autre point très important aussi, est que dans la traduction des vers, la rime est belle et surtout employée en sauvegardant la pensée et le sens des mots de la langue d’écriture.Vision Intime nous invite à un voyage légendaire en compagnie d’un jeune qui soudainement s’est retrouvé seul au monde. L’unique compagnon était une vieille dame. Après la disparition de cette dernière, le jeune sombre dans l’esseulement, orphelin absolu. Il erre dans l’existence tel un vagabond, sans objectif, sans repère, et sans but précis. Un jour, il atterrit dans la tribu d’un sage qui généreusement l’accueille et l’adopte. Les hommes de cette tribu jouissent d’extraordinaires qualités. Fasciné et ébloui par leurs valeurs, le jeune adopté veut devenir un des leurs, chose loin d’être aisée, puisqu’on lui impose des conditions consistant en de pénibles épreuves qu’il doit subir et surpasser pour mériter vraiment le statut des hommes de cette tribu. Notre aventurier accepte volontiers et sans crainte de se mettre dans la gueule du lion ! Et veut faire preuve de ses qualités et valeurs méritoires. Les épreuves se résument en trois phases. La première est de traverser le torrent de l’ogresse dès le premier jour de l’hiver. La morale de ladite épreuve est patience :Portes sept ceinturons avec adresse, prends ton chemin sans détours.Saisis un pic en vitesse,Et n’oublie pas notre discours.Traverse le Torrent de l’Ogresse, En hiver, dès le premier jour.Jour et nuit, en crue sans cesse, Sois prudent au danger que tu encours.C’est ainsi que la patience est décrite.Les hommes voulaient savoir si le jeune homme était patient, si sa vision dépassait les horizons, s’il pouvait attendre que le Torrent de l’Ogresse s’apaise et s’il pouvait surtout résister au froid, à la gelée, à la neige et aux carnassiers. Bref, à tous les obstacles qu’il pouvait rencontrer. La deuxième épreuve est celle de la jungle. Il s’agit de placer l’aventurier devant un parcours encore plus dur :Une fois le torrent franchi,Tu affronteras une forêt sauvage.Poursuis ton chemin sans repli,Gare aux animaux, au carnage!lui dirent les sages.Les animaux qu’il devait affronter étaient semblables aux humains, l’un méchant, redoutable et traître ; l’autre vorace, impitoyable et insatiable.Le monde est une jungle et l’homme est ainsi conçu, comparable à une bête. On y trouve des naïfs et des rusés, des raisonnables et des insensés, des méchants et des gentils…La troisième et dernière épreuve est celle de la justice et vérité :Etant encore en vie, presse le pas,Les épreuves sont presque finiesBien qu’aucun oiseau dans le ciel n’est là,Ta mission n’est encore guère accomplie,Elle consiste en un cadavre plat,Reviens au logis, une fois l’avoir enseveli.Ainsi fut dictée la troisième épreuve et à eux d’ajouter : Si tu as mis nos instructions en pratique,Considère-toi déjà parmi-nous.Tu feras partie de notre équipeHiver comme été, jusqu’au bout.Tu ne sèmeras que justice et logique,Dans les bourgs et plaines… partout.Nuit noire ou orage colérique,Tu construiras ta vie avant tout.Dans ce formidable conte plein de sens, les descriptions se font par un récit simple et attractif, mais les dialogues sont en vers ; l’auteur n’intervient, en prose, que pour mettre en exergue les trois préceptes développés à savoir, la Patience, la Persévérance, et la Sincérité.Dans la deuxième partie de l’œuvre, Kamel nous invite à partager, à travers une série de poèmes, sa “vision intime”, en parcourant ses vers, on y retrouve des thèmes aussi riches que variés tels : l’oubli, la malédiction, l’amertume, l’amour, etc. Il nous montre avec une sincérité inégalée et sans aucune arrière-pensée, à quel point la vie est complexe, lui, qui a si bien décrit avec un particularisme extraordinaire, la société kabyle, dont il fait partie où les valeurs ancestrales ont tendance à disparaître. Il le dit avec une tendance et cœur sans pareils :Oh ! Artisans du vocable,Aidez-nous, nous sommes méconnaissables,Drôle d’époque où nous vivons !L’illicite est devenu louable,La querelle surpasse la paix stable,Qui a disparu depuis longtemps.Le funeste domine l’agréable,Qui demeure intournable, C’est l’odieux, le maître évident.Par ailleurs, la poésie n’est qu’une voix. La voix douce d’un poète, qui est tout de même à son troisième recueil de poésie et d’une ambition têtue, qui nous transmet pour l’instant ce que la mémoire aurait oublié.Il a su aussi combattre cette “amertume” qui, bien souvent lui pèse et influe sur son existence :Le ciel nous en veut d’une manière évidente,Des années durant, il ne pleut ni ne vente, La cendre semble nous couvrir.Oh ! Dieu du ciel, on te vante,Protège l’âme innocente,C’est par ton nom qu’elle soupire.Ceci dit, Kamel Sabi n’est pas aussi pessimiste qu’on le pense, il est aussi sensible que tout les jeunes de son âge. “L’amour l’interpelle jusqu’à devenir malgré lui poète, la tendresse s’envole dans son cœur tel un aigle en vedette, il amasse et arrange des paroles qu’il trouve lui-même admirables”.C’est ton amour qui m’interpelle,Jusqu’à devenir, malgré moi poète.Ta tendresse est garnie d’ailes,S’envole dans mon cœur tel un aigle en vedette.J’amasse et j’arrange les paroles éventuelles,Je trouve génial tout couplet que j’interprète.En écrivant ces poèmes, Kamel ne cherche pas d’éloges mais il dit ce qu’il pense, ce qu’il voit et ce qu’il ressent, à travers les différents thèmes qu’il a abordé dans Vision Intime, il raconte tout simplement la vie. Il nous parle de la vie des anciens, avec un regret évident et semble dire : “on ne peut rester indifférent à tout ce qui touche à nos valeurs ancestrales, ce trésor inaliénable!…”En plus de l’édition du livre au niveau local, ce dernier sera bientôt publié en France. En effet des contacts ont été entrepris par Julien Pescheur et Mohamed Lounnas responsables des éditions “Sefraber” dans le but d’éditer cette œuvre outre-mer. “A publier en toute urgence !” Cette phrase est celle du comité de lecture de cette édition après la lecture du manuscrit de Kamel Sabi.A signaler qu’en plus de Vision intime d’autre œuvres à l’exemple de Taazultiw (confidence et mémoire) de Ahcène Mariche et Pensées pensantes de Noufel Bouzeboudja seront aussi bientôt édites par cette même maison.En somme, l’œuvre de Kamel reste originale et palpitante. Il nous invite à lire et à relire entre les lignes, voire, il nous incite à travers ces légendes produites et créées par son fabuleux esprit d’imagination, à rechercher et découvrir en nous et dans notre société les valeurs et les règles à suivre pour atteindre les faîtes de la réussite et de la noblesse.

Mourad Hammami

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