Camions-restos ambulants, paillotes, cabanes de fortune, locaux commerciaux, tout est bon pour sustenter le gogo. A défaut de nourriture correcte, une carte attrape-nigauds, truffées de noms dénichés dans des magazines ou une vulgaire réclame télé, s’appropriant sans peur et sans reproches une marque déposée style Mac… ou Pizza… Le client tombe inévitablement dans le traquenard et le voilà parti pour une aventure gastronomique où immanquablement il laisse des plumes. Comme de juste, les mets proposés ne sont que de pâles imitations du vrai produit, des ersatz… Nous avons sillonné les 100 km de côte que compte la wilaya, goûté à peu près à tout ce que se vend et jamais, au grand jamais nous n’avons rencontré la moindre satisfaction. Par contre ce qui est omniprésent, c’est l’esbroufe ! Tout est mis en œuvre en fait pour arnaquer l’oiseau rare qui après longue et mûre réflexion prend le taureau par les cornes et sollicite l’autoproclamé restaurateur pour un sandwich. Servi avec un zèle douteux et une célérité louche, il écope contre 100 DA d’un quignon de pain empli de frites vieilles de quelques heures ou de quelques jours, le tout dégoulinant d’huile utilisée cent fois plutôt qu’une. L’ensemble dégage des relents de mauvaise friture. A déconseiller formellement ! De même s’attabler à une terrasse est une entreprise hasardeuse, à haut risque car en plus d’un plat infect qui n’a même pas le mérite de rassasier, la note avant d’être consultée doit impérativement être précédée de la prise d’un cachet d’aspirine ou même de deux. Ça ne peut pas de toute façon, faire plus de mal que la bouffe ingurgitée…En fait, tout se passe comme si entre deux restaurateurs de métier, prospèrent (?) des dizaines d’autres qui ne possèdent ni l’art, ni le savoir-faire, émargeant au secteur informel, dirigés par des gens dont la seule connaissance culinaire se limite à l’épluchage des patates et qui plus grave se moquent des normes élémentaires d’hygiène dont ils ignorent le b.a.-ba.Si l’aspect peu ragoûtant des plats servis n’incite guère à la fréquentation même occasionnelle de ces “restos espagnols”, un autre, d’une toute autre envergure devrait normalement être une raison suffisante pour la fermeture et l’interdiction d’exercice de cette activité. Il s’agit de l’hygiène approximative des lieux, des ustensiles et subséquemment de la nourriture. Ce problème qui relève de la santé publique n’a jamais été pris à bras-le-corps avec tout le sérieux et la rigueur voulus.Et c’est ce laxisme, cette permissivité coupable au service d’une quasi impunité qui encouragent un secteur livré à lui-même. Absence d’eau courante, choix du lieu d’implantation anarchique, poussière omniprésente, relents nauséabonds. Le drame, c’est que le citoyen, n’en a cure. Mieux, c’est avec force rots qu’il manifeste sa satisfaction d’avoir bien mangé. A Béjaïa-ville près de l’arrière-port, fréquenté au quotidien par des centaines de camion qui à chaque passage soulèvent des tonnes de poussière, une baraque est bien en évidence et dont la célébrité dépasse les frontières de la wilaya (elle va même au delà !). La plonge est réduite à sa plus simple expression, la même eau servant des dizaines de fois car la gargote ne jouit pas des bienfaits de l’eau courante. Quant à ses fameuses grillades et fritures, chacune d’elles reçoit sa dose de poussière. Nous disons, en nous attaquant à ce qui est devenu, l’hypocrisie aidant, une institution à Béjaïa et n’en déplaise à beaucoup, que cette baraque doit être rasée et delocalisée. Son propriétaire, au demeurant fort sympathique, est en droit, du fait même de sa renommée, de s’attendre à bénéficier d’un lopin de terre où il pourra s’adonner, dans le respect absolu des normes d’hygiène, à son activité favorite sachant que sa nombreuse clientèle est prête à le suivre, en enfer s’il le faut, il n’a aucun souci à se faire pour les affaires. Ce même problème, nous le rencontrons aussi au niveau des nombreux relais routiers que compte la wilaya. Nonobstant l’existence de salles en dur, les barbecues sont exposés dehors et reçoivent des qualités incroyables de poussière “Un merguez-poussière frites monsieur. Et pour vous Mme steak-poussière salade peut-être ? “Le langage ahurissant surréaliste ne reflète pourtant qu’une réalité, celle de la restauration informelle et parfois légale.Et les pouvoirs publics dans tout ça ? que font-ils ?La DCP avec laquelle nous avons pris attache nous a fait part de quelques 1 800 interventions pour juin et juillet sur le terrain, essentiellement sur le littoral. Le total des infractions s’élève à 430 dont 420 relèvent de la justice. Par ailleurs 18 fermetures avec effet immédiat ont été prononcées. Le manque d’hygiène comme de juste, est l’infraction qui revient le plus souvent. Plus de 500 kg de produits impropres à la consommation ont été saisis et immédiatement détruits. Une information de nature à rassurer le citoyen jusqu’à fin juillet, il n’y a pas eu de cas qui méritent une alerte !“La DCP, dans sa double mission de contrôle de la qualité et des pratiques commerciales, ne peut à elle seule venir à bout des pratiques illicites et faire respecter les normes basiques en matière d’hygiène” nous confie M. Aït Moussa sous-directeur de la qualité à la DCP. Un appel vibrant est lancé à l’attention des associations de consommateurs qui brillent par leur absence.“Leur travail de proximité nous est indispensable ajoutera M. Ait Moussa, d’autant plus qu’elles bénéficient vu leur importance de l’aide de l’Etat”.Il se trouve certes des gens de métier qui sans prétendre aux étoiles Michelin servent une nourriture correcte à Béjaïa. Dans les hôtels surtout. Le chefs dans ces lieux feutrés sans être des novateurs connaissent leurs fondamentaux et savent recevoir. Nous en connaissons un particulièrement à l’entrée de la rue des Aurès qui en plus de produits frais, de l’accueil chaleureux offre un rapport qualité prix imbattable. Mais cette maison n’est que l’arbre qui cache la forêt.Ce qui est déplorable dans tout cela, c’est qu’ils sont rares ceux qui “s’osent” à inclure sur leurs cartes un met local. Vous avez dix fois plus de possibilités de vous voir proposer un rognon sauce madère ou un filet Strogonoff qu’un “Berkoukess”. C’est à peine si le couscous a fait une entrée hebdomadaire dans le meilleur des cas, sinon c’est à la commande. A leur décharge, l’absence de vrais touristes qui seuls sont friands de délicatesses du terroir.Cette année, la tendance est au poulet rôti à emporter.C’est facile à apprêter et ça rapporte. Ce binome suffit à persuader certains nantis conjoncturels que c’est l’affaire du siècle, justifiant ainsi l’ouverture rapide d’une rôtisserie.
Mustapha Ramdani
