Quelles ‘’sorties’’ pour la rentrée ?

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Pour la première fois depuis des années, les cadres supérieurs de l’État viennent de bénéficier d’un congé d’un mois d’une seule traite. Pour les citoyens et autres acteurs de la société- par exemple les entrepreneurs et certains prestataires de services-, cela se traduit par des retards et des lenteurs supplémentaires dans le traitement de certains dossiers puisque la fameuse signature du chef ne peut être obtenue avant des semaines. Déjà que notre administration et les autres institutions de service public (banques, agences de distribution de l’eau,…) ne sont pas connues pour leur célérité même avec la présence du premier responsable, l’on ne peut que constater la vacance qui hante ces structures et renvoie les échéances à septembre, lui-même mois de stand-by avant la grande hibernation de Ramadhan qui frappe déjà à nos portes. Sur les douze mois de l’année, des semaines entières, voire des mois, sont ainsi expurgés du calendrier en raison de fêtes nationales ou religieuses prolongées, du mois de jeûne dénué de toute forme de piété ou de pitié, d’un week-end inadapté à l’économie mondialisée, de journées hivernales où quelques centimètres de neige laissent reclus des responsables chez eux, et en raison aussi de la canicule qui envoie une partie du personnel sur la plage et fait roupiller l’autre partie dans les bureaux. Pour un pays diagnostiqué par les institutions internationales, mais aussi par des experts nationaux (CNES, universitaires indépendants), comme étant en déficit de productivité, en retard dans les réformes de l’administration et en déphasage par rapport aux normes technologiques modernes, ces coupes ‘’sabbatiques’’ opérées dans le cours normal du temps de travail est un signe d’un mal très profond d’une économie qui n’arrive pas à se défaire de la tutelle létale de la rente pétrolière. L’on se demande que sont devenues les conclusions et les recommandations de la Commission nationale des réformes de l’Etat instituée il y a plus de trois ans par le Président Bouteflika et présidée par une éminente personnalité, M. Missoum Sbih, aujourd’hui ambassadeur à Paris. Après un sévère diagnostic de la situation de l’administration algérienne qui n’arrive pas à s’adapter aux enjeux de la gestion moderne des territoires, des communautés et des ressources humaines, la Commission a fait de précieuses propositions en matière de décentralisation, de délégation de pouvoirs, d’exercice de la puissance publique et de gestion des collectivités locales. On ne veut surtout pas céder à la fatalité de croire que, comme jadis sous la férule du parti unique, lorsqu’on veut noyer un problème on lui crée une commission. Le contexte a changé. La nécessité et l’impératif de moderniser l’administration et les autres services publics ne sont plus dictés par de simples récriminations ou pressions de citoyens outrés par le retard dans la délivrance d’un acte de naissance ou d’une fiche familiale ; ils vont bien au-delà pour embrasser la sphère économique dans ses segments les plus sensibles : investissements privés nationaux, investissements étrangers, relations entretenues par nos universités et nos entreprises avec les institutions étrangères, etc. Dans un contexte de mondialisation qui s’accélère un peu plus chaque jour, les organismes spécialisés ne pourront pas, par exemple, se permettre de mettre des mois pour délivrer des certificats phytosanitaires pour certains produits agricoles ou semences importés, des autorisations de distribution pour les médicaments,…Les réformes du secteur de la justice devraient aller aussi dans ce sens. Une coopération étrangère- financière et pédagogique- est mobilisée pour mettre à niveau les prestations judiciaires de façon à les adapter à l’économie de marché qui suppose maîtrise de plusieurs dossiers autrefois négligés : foncier, impôts, propriété intellectuelle et industrielle, droit des affaires.À défaut de pouvoir enfanter le changement au sein même de ses rouages et structures- le pouvait-elle après les saignées du personnel qualifié qui l’a désertée et la masse de cadres expérimentés poussés à la retraite anticipée ?-, l’administration algérienne est appelée aujourd’hui à subir ex abrupto la cadence, les impératifs, les procédés et les remous du monde moderne auquel elle n’est pas préparée. Comme on peut le deviner, les résultats ne peuvent être ni forcément cohérents ni obligatoirement porteurs d’une dynamique auto-entretenue. C’est fatidiquement le sort d’une administration sustentée par la rente et distributrice de rente. L’ordonnance du 15 juillet dernier portant Statut de la Fonction publique n’apporte pratiquement rien de nouveau En ce domaine, comme dans bien d’autres aussi, la rentrée prochaine ne prévoit aucune sortie particulière.

Amar Naït Messaoud

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