Le chantre de la chanson kabyle, Lounis Aït Menguellet, a animé, avant-hier soir, un concert au Casif Sidi Fredj, dans le cadre des activités de la période estivale, de l’Office national de la culture et de l’information (ONCI). Accompagné par son fils Djaâfar, et de son orchestre composé de six musiciens, celui qu’a qualifié le grand écrivain Kateb Yacine de plus grand poète actuel,a déclenché une véritable explosion de joie et d’émotion chez le public. Il n’a laissé, durant trois heures, personne indifférent, ni les jeunes, ni les familles, ni la gent féminine venue d’ailleurs en force. L’animatrice a tenté de tempérer les ardeurs pour pouvoir dire quelques mots en guise d’exorde, mais l’assistance ne veut rien comprendre. Elle revendique déjà leur idole. Après son apparition sur scène, le public, au nombre avoisinant un millier de personnes, malgré le prix du ticket fixé à 700 DA !, se lève et sur un fond d’applaudissements pour l’acclamer à l’unisson. L’auteur de l’immortelle Ammi souhaite la bienvenue à tous, oubliant presque que c’est lui l’invité de toute cette foule. L’homme aux moustaches à la turque inaugure cette soirée par sa célèbre chanson JSK. Une chanson qui demeure parmi les meilleures dédiées au prestigieux club kabyle. Le jeu de lumières et la remarquable sonorisation ont donné à cette soirée une véritable ambiance de fête. Ses fans ont inlassablement applaudi, remarquablement dansé. Il entame ses chansons d’amour par l’une de ses premières, Ma trud ouladnek akther (si tu pleures, moi encore plus), un poème écrit en 1967.L’assistance est transportée à son corps défendant dans un autre monde. Celui des rêves et des souvenirs mêlés… Elle l’a attentivement écouté, énormément apprécié. Il est vrai qu’en écoutant le ciseleur du verbe, on se sent caressé, bercé dans l’univers multicolore de ses chansons d’amour. Il chante la liberté, et crie le désarroi de sa société. La puissance de ses poèmes réside dans la qualité de ses textes, la force du verbe et la justesse du mot qu’il utilise. En effet, les poèmes de Da Lounis deviennent des mains qu’il tend généreusement parfois, pour guérir les maux, adoucir les rudesses, et apporter la paix intérieure, et parfois écraser l’arbitraire, tuer l’oubli et ensevelir la mort. Un jeune lui demande la chanson Louiza et c’est toute l’assistance qui la réclame maintenant. Ait Menguellet cède alors à la demande générale de son auditoire. Il chante sa Louisa. Après, il récite Yennad Umghar (Le sage a dit), un extrait de son dernier album, où il a fait remarquer que la sagesse qu’il chante dans ses chansons n’est puisée que chez les petites gens qu’il côtoie. Assendu n waman (Les brasseurs de vent) est beaucoup appréciée par le public. Lounis constate que les brasseurs de vent « viennent, promettent, mais oublient leurs promesses ». Le grand poète kabyle a encore une fois su émouvoir par la finesse de son langage le cœur des mélomanes. Hafidha, venue de Boumerdès avec sa famille nous a déclaré que Lounis demeure un grand pilier de la chanson kabyle. « Je vous avoue que je ne parle pas kabyle mais un chanteur comme Ait Menguellet, ça ne se rate pas », nous a-t-elle confié. C’est aux environs de 1h du matin que l’artiste a clos le spectacle par Kechini ruh nek adéquimagh (toi tu pars, moi je reste), sous les applaudissements chaleureux de son public. Tout le monde se bouscule alors en direction de la scène pour accéder à la loge afin de prendre des photos souvenirs avec lui ou, à défaut, le saluer. De son passage à Sidi Fredj, notre plus grand poète a, comme à l’accoutumé, laissé des traces. Les bonnes.
Salah Benreguia
