Restaurer et assurer une gestion transparente du mausolée

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En présence d’un ami étranger qui m’a longtemps soumis à la question sur le Fort Gouraya, autant j’étais à l’aise quand il s’agissait de parler de mythes, légendes et histoire qui se côtoient, s’entremêlent dans un récit digne de la geste des chevaliers de la Table ronde, les “questeurs” du Saint-Graal, autant j’ai été gêné, désarçonné quant à l’usage qui est fait dans notre pays des vieilles pierres.Cette remarque de mon ami – “j’ai cru un instant me retrouver dans un mini Jérusalem, avec ses pèlerins et ses innombrables marchands du Temple. Il ne manquait que Jésus pour la séance de flagellation” – m’a profondément choqué, outrageusement bouleversé. Criante de vérité, cette image ! Et émise par un étranger qui ne connaît ni l’impact dans nos cœurs et nos esprits, ni même ce que ce lieu représente dans la symbolique bougiote…Evoquer le nom de Béjaïa sans qu’à ce moment ou un autre ne soit cité celui de sa sainte patronne la bienheureuse Yemma Gouraya relève d’une méconnaissance absolue de l’étiquette, d’un manque de culture flagrant, voire d’un sacrilège. Et même si du mausolée d’origine, une koubaa, il ne reste pratiquement rien puisque rasé en 1833 par les hordes barbares françaises pour y édifier un hideux nid d’aigle, l’adoration que voue siècle après siècle une population dont l’Islam tout en nuances, en originalité et quoique conservant l’essentiel du dogme n’en fait pas moins la part belle aux croyances animistes où tout est harmonie avec la nature, ordre, pureté, n’a jamais faibli. Pourtant, Dieu, qu’elles furent nombreuses, sauvages et sanguinaires les différentes invasions subies par cette cité-aimant qui a le don d’attirer roi et gueux, homme de sciences et flibustiers… S’il ne faut citer qu’un seul de ces croquemitaines, nous opterions sans trop d’hésitation pour Ximenes, de sinistre mémoire, l’homme à la pourpre, devenue pourpre car imbibée par tant de sang des innocents. Ximenes qui après une journée passée à passer au fil de l’épée des centaines de maures que son roi Charles Quint affublait du nom peu élogieux de “perfides maures”, passe ses nuits à “s’auto-absoudre” au nom d’une religion dont il fait et défait les règles, charge que lui confère sa dignité de cardinal ! Tant d’autres, subjugués non pas à l’image des conquistadors par la soif, la fièvre de l’or, mais par la richesse d’une terre nourricière à chaque arpent fleure bon l’harmonie et la bonne intelligence qui s’est instaurée entre les dieux et les humains, en partie grâce à l’intercession des justes, s’y sont essayés. Aucun n’a jamais pu y prendre racine !Cette brève incursion dans le passé qui souvent se voile, se dérobe pour ne nous livrer que des témoignages à l’authenticité encore à vérifier, ne doit pas nous faire oublier le triste état actuel de la citadelle qui abrite (?) le mausolée et les restes que notre sainte patronne. Murs qui ne tiennent que par miracle, forteresse brinquebalante, toits éventrés et en prime la rapacité des hommes, prédateurs et marchands du temple attirés tous par le gain facile et profitant de la crédulité de leurs semblables pour introduire une odeur de souffre dans ces lieux réputés, calmes, dégageant une sérénité purificatrice. Le lieu est livré à l’appétit féroce et insatiable d’une bonne femme qui s’est taillé une jolie fortune détournant à son seul et unique profit le denier du culte. Elle prétend détenir une autorisation de l’APC. Depuis quand une APC se préoccupe-t-elle des choses du culte ?Nous la mettons au défi de produire autre chose qu’une simple autorisation délivrée par le P/APC lui confiant l’entretien du temple, une fonction en somme de balayeuse en chef. Sans plus ! Et ce contre l’avis du directeur du PNG qui ne saurait souffrir d’aucune équivoque car cet organisme d’utilité publique ne reconnaît à la mégère aucune compétence, ni architecturale, ni archéologique. Quant au P/APC, abusé sans doute, qui parle de menues oboles, il semble totalement déconnecté par rapport à la réalité. Le denier du culte atteint souvent pour ne pas dire quotidiennement des millions de centimes sans compter les dons en nature : moutons, chèvres, beignets, pain… que les pèlerins, en toute bonne foi, déversent contre de fausses promesses de guérison, de grossesse ou de mariage. C’est en somme la légalisation d’un temple où officient faux dévots et chamanes charlatans du dimanche qui exercent leurs talents louches en toute quiétude allant même jusqu’à jeter de l’ombre sur un corps constitué accusé à l’occasion de tous les maux capitaux. Le sanctuaire de Yemma Gouraya représente tant et tant pour tellement de gens qu’il serait criminel de le laisser dans un tel état, entre les mains de gens sans foi ni loi et qui de surcroît font dans l’invective et s’en prennent à ceux-là mêmes qui, sans relâche, essaient, avec des moyens souvent dérisoires, de conférer au PNG un visage digne de son rang et de l’illustre personnage qu’il abrite, perché sur sa plus haute éminence et qui même la nuit illumine de sa baraka la ville aux 99 saints plus Gouraya. L’urgence est à la restauration du fort à l’identique par des spécialistes. Comme elle est aussi à la chasse, sans ménagement, de la chienlit. Le mausolée souillé, pollué a besoin d’un grand coup d’air frais. Nous pensons qu’il faudra absolument le rendre à son propriétaire légitime : le PNG qui saura, lui, l’administrer de telle manière qu’il puisse revenir à tous, sans exclusive. Le denier du culte doit revenir d’abord aux dépenses d’entretien, ensuite aux pauvres de la ville. C’est la seule façon de le maintenir “in seculo secularum”

Mustapha Ramdani

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