Le trottoir en guise de marché hebdomadaire

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Ils en est ainsi de la ville de Béjaïa, dont les autorités passées et présentes sont plus promptes à promouvoir le cliché d’une cité au charme parfait et envoûtant, au dam d’une population aux multiples besoins, bien plus humbles. Les bourses des ménages d’une ville particulièrement onéreuse sont d’autant plus mises à rude épreuve que Béjaïa est, depuis maintenant des lustres, privée d’un marché hebdomadaire, digne de ce nom. Un marché dont l’emplacement, les conditions d’hygiène, la qualité et les prix des produits, répondraient aux normes requises par ce type de lieux populaires élevés au rang de véritables institutions locales dans la majorité des grandes et petites villes du pays. Or, ce qui tient lieu de marché hebdomadaire à Béjaïa sont deux longues rangées, des deux côtés d’un boulevard, ou carrément d’une route, que constituent de jeunes et moins jeunes commerçants derrière leurs cageots et “étals” posés, pour la plupart, à même le sol à l’insalubrité manifeste. A Sidi Ouali, à quelques centaines de mètres du chef-lieu, deux à trois cent mètres de trottoirs délimitant un tronçon de route, du coup difficilement praticable pour les automobilistes, sont “squattés” par des vendeurs de légumes et autres articles vestimentaires et ménagers. L’incommodité du lieu pour les clients gênés et gênant la circulation automobile aurait pu être compensée par la satisfaction d’un couffin rempli moyennant des dépenses relativement raisonnables pour des produits d’assez bonne qualité. Hélas, ni le prix ni la qualité ne sauraient justifier, outre mesure, le déplacement. Entre 35 et 40 DA le kilo de pomme de terre, 30 et 35 DA le kilo de tomate, par exemple, sont des prix, à deux ou trois dinars près, que l’on retrouve auprès de n’importe quel marchand de légumes du chef-lieu. Quant à la qualité du produit, pas de quoi pavoiser non plus. Dans le meilleur des cas, le produit a la même allure qu’un autre ailleurs, dans le pire, l’on vous y proposera à 30 DA de la tomate rabougrie et à 40 DA de la pomme de terre décrépite. Pour couronner le tout, les conditions de salubrité et d’hygiène du lieu sont des plus suspectes, forcément, puisqu’il n’est absolument pas aménagé pour ce type d’activités, le marché étant exposé au potentiel de pollutions diverses propre à une infrastructure routière. Une multitude de petits marchés aux conditions similaires, hebdomadaires et quotidiens, sont essaimés un peu partout dans la ville, hormis le marché couvert de la place des Babors potentiellement apte à répondre aux critères requis de marché populaire. L’aménagement de l’espace et les conditions d’hygiène y sont réunies et les étals suffisamment achalandés. Il est pourtant boudé par la population, tant les prix qui y sont pratiqués sont dissuasifs. La raison du maintien d’un niveau de prix prohibitif en ce lieu tiendrait, selon nombre de citoyens, au souci des vendeurs d’en conserver “le prestige” que lui aurait conféré la fréquentation d’une clientèle privilégiée durant la période coloniale et jusqu’aux premières années de l’Indépendance. Relents de snobisme, spéculation commerciale, indifférence de l’autorité publique… autant de pesanteurs locales en passe d’occulter, en fait, jusqu’aux plus simples besoins de la collectivité.

O. Hakim

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