Rencontre avec le comédien Redouane Mirabet

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La DDK : Redouane Mirabet, à nos lecteurs qui désirent te connaître, tu dirais quoi ?R.M : Je suis du genre rebelle, insatisfait de mon travail, cherchant toujours à mieux faire. C’est un caractère. Je suis trop sensible, strict dans mon travail. Dynamique, je n’aime pas le temps perdu, j’aime la simplicité des choses, et je suis fan de moi-même ! (Rire).

Parle-nous de ton métier de comédien…J’ai suivi une formation théâtrale, mais comme de nos jours l’artiste est contraint de faire autre chose en parallèle, j’ai opté pour le cinéma. Cela parce que le comédien algérien y trouve les portes ouvertes -des chances-, tel que Kamel Bouakèze qui a passé vingt ans dans le travail théâtral mais qui n’a connu sa vraie gloire qu’après son passage à la télévision. Si demain il organise un spectacle, un monologue par exemple, son public sera plus nombreux.

Vous parliez de simplicité dans le travail artistique, expliquez…Des fois j’ai un rôle à jouer dans un scénario avec un dialogue vide, qui restreint le jeu du comédien, c’est-à-dire qu’aucun détail facilitant le travail de composition n’est fourni, chose défavorable. Je n’ai pas à culpabiliser l’écrivain, c’est au comédien, au metteur en scène, et au réalisateur de fournir plus d’efforts pour combler ce vide existant. On prétend que c’est la tâche d’un adaptateur du texte, mais à vrai dire ce dernier est partisan du moindre effort, parce qu’il censure le texte au lieu de l’enrichir et de le corriger. J’ignore si cela ne ce passe qu’avec les jeune talents ou même avec d’anciens professionnels.

Tu t’es donc affronté à des problèmes dans ton travail ?Pour le tournage du film que j’ai accompli, je n’ai pas eu le temps de préparation. J’ai reçu le scénario une semaine avant le tournage d’une durée de vingt-cinq jours, pour vingt épisodes. C’est à la fin du tournage qu’on me désignait les scènes à jouer le lendemain, ce qui représente une pression énorme et des efforts immenses.Mais malgré toutes les pressions que subissait l’équipe technique, ce fut une très très bonne expérience qui a démontré la bonne volonté des jeunes que nous sommes, car chacun de nous donnait le meilleur de lui-même.

Puisque le théâtre est ta spécialité, parlons-en…C’est un esprit. Un autre monde. Au vingtième siècle, tu repars au quatorzième, du quatorzième tu voyages au temps de Jules César… Pour le théâtre tout est en harmonie, la musique, le décor… et le caractère du personnage existe souvent chez les hommes de toutes les époques.

Puisque tu passes du personnage sur papier à l’homme, quel est, selon toi, le rapport de l’œuvre de fiction avec la vie réelle ? Il n’existe pas de personnage sur papier. Le personnage est un caractère ; c’est un être humain qui s’inscrit dans l’histoire à travers ses exploits. Hamlet est un personnage imaginaire mais c’est la création de Shakespeare, donc c’est lui-même.Dans l’écriture littéraire, l’écrivain se fond dans ses personnages, qui après sa mort restent une vie pour lui. Kateb n’est pas mort intellectuellement, car ses idées et sa philosophie existent grâce à ses écrits. Heureusement que les poèmes de Si Mohand ont été écrits, et s’il l’avait fait lui-même il aurait encore plus de succès. Cette éternité de la production de l’Homme est même citée dans l’Islam « Sadaqa Djaria » (le dont éternel) …J’aimerais ajouter aussi que l’art n’est pas une spécialité, mais une éducation spirituelle. Chaque personne qui s’applique dans son travail est un artiste. Une fois en prenant l’avion, j’ai admiré le tableau de verdure des champs sillonnés par des paysans illettrés, qu’aucun peintre diplômé des grands instituts ne pourra réaliser. Idem pour le comédien ou le chanteur, lesquels ont leur fonction humaine à jouer. Ce qui les distingue du reste des gens, c’est qu’ils révèlent cette qualité qui est en eux : l’art.

Trouves-tu des différences entre le théâtre algérien et celui des autres contrées ?Les normes du théâtre sont universelles. La différence est dans le texte. Le texte algérien en l’occurrence a, et doit avoir, sa spécificité culturelle, c’est-à-dire la tradition, la langue, etc.…

Y a-t-il des dramaturges qui t’ont marqué ?De toutes façons, ils sont tous sympathiques (Rire). Je citerais Sartre pour sa façon d’aborder le thème de l’absurde, et la façon dont il provoque le comédien qui interprète sa pièce dans son état psychologique. Antoine Tchaikov, dans sa construction du caractère des personnages, auquel il donne plus d’importance qu’au conte, la tragédie shakespearienne…et je ne peux ne pas citer Alloula pour son inspiration de la culture orale.

Propos recueillis par Mohamed Mahiout

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