Né de parents inconnus, Robert Palmade, ou plutôt Abdelkader Acheli dit Mourad, a vu le jour à l’hôpital d’Aumale (actuel Sour El Ghouzlane), wilaya de Bouira, en 1956. Inscrit à l’état civil sous un nom français (son véritable nom), en l’occurrence Robert Palmade, mais ayant une carte d’identité et un permis de conduire (algériens) qui portent le nom Acheli Abdelkader- le nom de sa famille d’accueil- a fait un parcours de combattant pour se voir rétablir dans ses droits. En effet, il a fallu… 44 ans pour obtenir ses « vrais » papiers. C’est l’histoire d’un enfant qui a été “victime” de l’indépendance de l’Algérie. L’histoire de sa vies comme il aime à l’appeler, commence malheureusement quand une mère anonyme a signé une déclaration et quelle déclaration ! « Je viens de donner naissance à un enfant, mais en raison de graves conséquences qui pourraient en résulter, il m’est impossible de l’élever « . Par ricochet, elle le cède volontairement à l’Assistance publique. Devenu pupille de l’Etat, l’enfant est placé dans des pouponnières puis dans des familles d’accueil. Il a été d’abord élevé par des familles françaises algériennes. En 1958, Robert se trouve chez les Khemissi, une famille kabyle musulmane, mais il ne tardera pas à la quitter pour aller chez d’autres. Pourquoi ? Mourad nous répondra par sa maltraitance. « Je me souviens lorsque cette femme m’avait brûlé par une petite cuillère chauffée parce que je faisais pipi au lit ». Et d’ajouter : « D’ailleurs, un soir elle m’avait jeté dehors avant qu’un officier me ramène au commissariat ». En 1962, la plupart des pupilles de l’Etat sont reparties en France. Mais Robert à l’instar de ceux issus de viols collectifs, est… oublié. Un geste qui a gâché sa vie. Il est envoyé en 1963 dans un centre pour y résider. Dans cette Algérie fraîchement indépendante, les éducateurs travaillant dans ce centre lui changent son prénom, il devient Abdelkader. 3 ans plus tard, soit 1966, il a été encore une fois confié à une famille kabyle, les Acheli. Depuis, l’Assistance n’a pas donné signe de vie. D’où vient son prénom Mourad ? Robert nous a avoué que les Acheli trouvaient à l’époque le prénom Abdelkader à consonance trop arabe. A 14 ans, son père adoptif lui fait quitter l’école, bien qu’il soit brillant, « c’est une famille pauvre, et mon père avait vraiment besoin de moi pour travailler », a-t-il soutenu. A l’âge de 20 ans, il se rend compte qu’il n’est pas convoqué pour passer le service militaire. « A l’époque, toutes les institutions étaient presque étatiques donc le service militaire s’impose pour pouvoir travailler « . Avant d’ajouter : « La cause est que je porte un nom français ». Après la mort de son père il entreprend des démarches auprès du consulat de France en Algérie. Il apprend alors que l’ordonnance 69-5 du 30 janvier 1969 a été prononcée par l’état algérien afin d’arabiser les noms des pupilles de l’Etat à consonance étrangères. Quelques mois après, les autorités lui confirment la nationalité française mais ayant en sa possession une carte d’identité et un permis de conduire…algériens. Arrivé en France, il surprend plus d’un, car il ne sait parler la langue de Molière, et n’a aucun diplôme. Il travaille comme serveur ou dans des service de nettoyage. En parallèle, il prenait des cours de français. Maintenant, il travaille comme agent de sécurité, mais regrette ces années perdues. Marié avec une algérienne et faute de progéniture, Robert compte adopter un enfant. Hélas ses problèmes ne finissent pas. Les autorités algériennes lui ont signifié qu’il n’a pas le droit d’adopter un enfant d’autant qu’il est un Français, chrétien de surcroît. Mourad, pour ses amis intimes, rétorquera par ceci : « Comment voulez-vous que je sois un chrétien puisque je suis élevé par des familles algériennes musulmanes et je pratique la religion et la prière ». Il accepte contre son propre gré l’attestation de reconversion que la Grande Mosquée de Paris lui a faite. Croyant arriver au bout du tunnel, les autorités compétentes chargées de lui donner le feu vert pour devenir un père, étaient catégoriques. Seule sa femme peut demander l’adoption d’un enfant. En effet sa femme adopte maintenant une fille mais qui ne porte pas le nom de Robert, mais celui de sa famille (le nom de jeune fille). « Dès fois ils me font sentir que je ne suis pas le tuteur de cette fille ». La mort dans l’âme, il s’interroge : « Puisque ils m’ont établi une carte d’identité, un permis et un passeport algériens, où est le problème si j’adopte un enfant ? ». Enfin il envisage d’utiliser tous les moyens légaux pour obtenir ses droits. « J’ai le droit d’être indemnisé par les deux pays, ils m’ont gâché ma vie « .
Salah Benreguia
