Seul écrivain arabe à avoir eu le prix Nobel de littérature, Naguib Mahfouz est mort mercredi à l’âge de 94 ans. Le cercueil du vieil homme de lettres, recouvert d’un drapeau vert portant les premiers mots du premier verset du Coran, a traversé le vieux Caire islamique, quartier cher à son coeur où il avait vu le jour et qu’il aura décrit avec tendresse dans toute son oeuvre. La foule, amis et admirateurs de Mahfouz, ont escorté sa dépouille. Dans le public, on pouvait lire sur une banderole noire « Adieu, Shakespeare arabe ».Mohammed Sayed Tantawi, imam de l’université d’Al-Azhar et plus haut dignitaire de l’islam sunnite, a dirigé la prière, aux côtés du Grand Mufti d’Egypte Ali Gomaa, dans la Mosquée Al-Hussein, où Naguib Mahfouz avait voulu, selon ses dernières volontés, que son cortège funèbre fasse étape pour une première cérémonie religieuse réservée aux proches. Cette mosquée, à quelques mètres de son lieu de naissance dans le quartier de Gamaliyya, et où sa mère l’emmenait prier quand il était petit. La présence de ces deux religieux de haut vol visait semble-t-il à expliquer que le plus glorieux des hommes de lettres arabes était bien un bon musulman. Et non un athée, comme l’affirmaient ses détracteurs. Bête noire des conservateurs pour ses appels répétés à la tolérance religieuse et pour avoir été l’un des rares à soutenir les accords de paix entre Israël et l’Egypte, Mahfouz avait été poignardé en 1994 pour blasphème par un extrémiste se réclamant d’une fatwa lancée par Cheikh Omar Abdel-Rahman, condamné par la suite pour son rôle dans le premier attentat contre le World Trade Center aux Etats-Unis.Des années plus tôt, Mahfouz avait aussi été censuré par Al-Azhar pour ce même roman controversé, Les Fils de la Médina, publié en feuilleton en 1959, mais interdit ensuite par l’université religieuse et publié sous forme livresque au Liban…Dans le même temps, un site Web extrémiste se moquait des hommages rendus à Mahfouz. « Qu’il aille en enfer, et nous prions Dieu de lui donner la punition maximale », pouvait-on y lire. Cinq députés des Frères musulmans, le principal mouvement islamique d’Egypte (non reconnu, mais toléré) et premier groupe d’opposition au Parlement, ont également assisté aux funérailles de l’écrivain, bien qu’ayant également dénoncé son oeuvre. Une unanimité en forme de reconnaissance de l’immense popularité, au pays et dans le monde arabe, de l’écrivain disparu.Du côté du pouvoir, on a également offert les honneurs dus aux plus grands à Mahfouz, escorté par la musique militaire, et dont le cercueil tiré par six chevaux a été emmené, recouvert du drapeau égyptien, jusqu’à la mosquée Al-Rachdan, où a eu lieu la cérémonie religieuse officielle, en présence du « raïs » Hosni Moubarak.Après cette cérémonie, Naguib Mahfouz a été inhumé dans un cimetière des environs du Caire.
