Ce livre n’est ni un roman ni un essai. Ce sont 21 nouvelles qui ressemblent fort à des analyses sociologiques avec une fraîcheur de ton qui mène le lecteur dans une réflexion méditative. Abderrahmane Zakad nous plonge jusqu’aux racines de la société, sans bavardages, avec dans chaque chute de ses nouvelles un arrière-fond de morale. Nous découvrons, au fur et mesure que nous avançons dans le livre, une société en évolution traînant les valeurs ancestrales en conflit avec une modernité qui s’affiche en arrière-plan : « La grand’mère lui secoue le pénis pour faire tomber les dernières gouttes d’un jaune cuivré, comme des graines de maïs. Elle croyait qu’il avait fini. Un autre jet d’urine inattendu apparaît, hésitant. »On (re)découvre un monde insoupçonnable par des allégories et des paraboles ciselées. Abaderrahmane Zakad entreprend une étude fouillée sur le système économique de notre pays (La fête au Sheraton), expliquant l’aggravation des problèmes sociaux. « Farida, par la force des choses, est devenue mendiante, le temps et l’usure l’ont asséchée comme une feuille d’automne, jaunie, encornée aux limbes.. ». Ce qui frappe dans ces textes percutants, c’est l’étonnante actualité des propos et l’incursion de l’auteur dans une analyse des moeurs : « La fête commence…Toute la dechra est conviée… Les frénétiques filles de Kabylie ont senti que c’est l’appel à la danse. »Je ne voudrais priver personne d’un plaisir de lecture d’où surgissent plus de cent et une surprises, toutes agréables et enrichissantes et où l’enfant est décrit dans ses jeux, le mendiant cité dans ses peines, le riche confronté aux pénuries au même titre que l’ouvrier et le faux moudjahed confronté à des regrets tardifs devant une reconnaissance non méritée : « Non, Zahra ne recourra pas à des faux témoignages pour se faire délivrer une attestation de femme de chahid ».Pour finir, nous tenons à citer ce passage tout de beauté tiré de la dernière nouvelle intitulée “La bougie” : « La bougie ! Une flamme qui se consume, qui se consomme, devient nuage mielleux quand, dans nos soirées d’antan, il approche le parfum du basilic alors que l’âcre odeur de la cire reste à ses pieds”. Un livre de nouvelles absolument à lire.
Rosa C. Le vent dans le musée, 210 pages – Editions Alpha. Pins maritimes.
