Poète déchiré par le déracinement

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En cette journée printanière du mois d’avril passé, Véronique Vernon, vice-présidente du conservatoire du 8ème arrondissement de Paris, est aux anges. Elle est vraiment satisfaite de la belle prestation de Brahim Saci. Le public, français en majorité, a également apprécié ce défilé somptueux de chansons venues d’Afrique du Nord.C’est la première fois que le conservatoire accueille un chanteur algérien. Qu’il interprète la Colombe, le Déclin des jours, ou encore Vas mon âme, Brahim Saci est toujours irrésistible. Poète jusqu’au plus profond de l’âme, musicien chevronné, il reste humble et à l’écoute du monde qui l’entoure. A Paris, il est une référence certaine depuis des années. Sur les traces de Slimane Azem, il sait parler de l’amour, des mauvais jours, de l’exil, de la volonté de surmonter les difficultés. Brahim Saci a l’art d’envoûter son public avec des paroles en français et en kabyle. L’artiste a grandi en France où il a fait des études supérieures ; il a également beaucoup lu Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Si Mohand ou Mhand…Brahim Saci a toujours sur lui des livres récents dans le cartable qui ne le quitte pas. Jovial, souriant, l’artiste se pose pourtant de nombreuses questions douloureuses. «Le poète voit au-delà des voiles, l’exil est une porte qui s’ouvre sur le néant. Cet effacement que je vois, bien que lointain, me torture et m’use chaque jour un peu plus. La pensée, elle-même pourtant libre, se trouve entravée par le déchirement du déracinement. Je suis mais sans être vraiment, ma vie me semble n’être qu’une illusion. Le philosophe René Descartes disait “je pense donc je suis”, moi je pense mais je ne suis pas», confie Brahim Saci. En 1998, il écrit un double album, un regard critique sur la scène artistique kabyle intitulé Taluft Imaddahen qu’il détruit en cassant sa guitare à la suite de l’assassinat de Matoub Lounès.Ensuite Brahim Saci écrit un hommage à Matoub intitulé Un cri dans l’éternité. Brahim Saci a déjà une œuvre considérable. Il vient de terminer l’écriture et la composition d’un autre album : Qlilet lemhiba. C’est une approche pertinente de l’exil, du sentiment intérieur du poète face aux événements de la vie qu’il n’arrive pas à contrôler. «La solitude intérieure m’étouffe», avoue Brahim Saci. L’artiste aégalement été portraitiste sur les places touristiques parisiennes, tout comme il a eu une expérience radiophonique sur les ondes franco-maghrébines quand il faisait des émissions sur la littérature et l’histoire des Berbères. Brahim Saci a produit de 1992 à 1997, cinq albums à Paris. En Algérie, 4 albums de sa création sont en vente aux éditions “Coup de cœur”. Brahim Saci est l’un des premiers chanteurs algériens à posséder un site internet : www.brahimsaci.com. «L’Algérie se doit de développer son patrimoine culturel dans sa diversité amazighe, de donner des bourses aux jeunes qui veulent se produire comme cela se fait en France où le ministère de la Culture donne des bourses à des jeunes, qui leur permettent de financer l’enregistrement de l’album, et parfois même la production et la distribution», estime Brahim Saci.Toujours à l’écoute de ce qui se passe dans son pays d’origine, Brahim Saci est, à bien des égards, un artiste de grande valeur.

Farid Ait Mansour

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