Débat (II)

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… L’idée de débat qui a germé dans la tête du vieux Rezqi commence à prendre forme. Le grand-père est excité comme un jeune marxiste boumèdienniste chargé d’expliciter les quatre révolutions socialistes à un douar perdu des années soixante-dix. Il a même oublié le icmiqnat que charrie ramadan. Ces cinq sens ne sont en éveil que pour le débat kabylo-kabyle. Mima, désignée secrétaire particulière, est chargée de répertorier tous les numéros de fil des amis et des parents. Chaâbane le postier, le dissident du FFCD, est chargé d’entrer en contact avec le club des désillusionnés politiques. Il prend très au sérieux sa mission. Même de la Croix et les Deux poils trouvent intéressante l’idée de leur grand-père. Seulement, ils n’osent pas lui demander de les autoriser à mettre la main à la pâte. Le vieux les a cependant compris.

– Vous voulez participer à la réinvention de la République ara kun-yeccen (qui vous emportera) ?

– Euh… ih…

– Dans ce, cas toi (s’adressant à Mmou), tu oublies ta croix et toi (à Lamine) ta république islamique. Nous sommes d’accord ?

– Oui, jeddi !

– Ihi, allez-y voir avec Mima. Elle vous dira quoi faire.

De la Croix et les Deux Poils sous les ordres de Mima. Impensable, il y a 24 heures. “Yaddin uqabac… !”, s’exclame le vieux en se rendant compte de ce changement brusque d’attitude.

A 13 heures, Rezqi appelle à un briefing. Tous, y compris Sekkoura, sont installés autour de la table et attendent les directives du vieux. Rezqi est ému. Il vient de se rendre compte que c’est la première fois que la famille se réunit pour l’essentiel. Il savoure ce moment de bonheur en écrasant une larme. Il finit quand-même par prendre la parole : “Avant de commencer, je vous invite à observer une minute de silence à la mémoire n widen akk yemmuten pour la liberté d nnif”.

La minute de silence durera un quart d’heure. Rezqi s’en rend compte : “Merci : ad yerhem rebbi ccuhada ! Comme j’ai expliqué à Mima, chacun d’entre vous est chargé de poser une question aux familles dont on vous a remis les adresses et numéros de téléphone. La question est : d acu tebgham (que voulez-vous) ? Pas plus. Ensuite vous demandez à vos interlocuteurs de vous répondre par écrit…”.

Yettkemil…

T. Ould Amar

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