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Les mots magiques de Malek Haddad

C’est une œuvre colossale. A bien des égards, les phrases pleines de sens de l’écrivain n’arrêtent pas de voyager vers l’éternité. Poète avant tout, Malek Haddad a écrit des romans avec des poèmes, et ses textes sont d’une profondeur incroyable, une profondeur qui véhicule une grande philosophie. La vie faite de philosophie au moment où la douleur encercle le quotidien, au moment où l’espoir se fait maigre… Malek Haddad, né le 5 juillet 1927 à Constantine, fut le premier secrétaire général de l’Union des écrivains algériens, toutes langues confondues, et avait l’honorable perspective de « fonder un lien étroit » entre non seulement les écrivains, mais aussi ceux qui « rêvent de le devenir. »

Interrogé par un écrivain espagnol qui lui avait demandé s’il se considérait comme étant écrivain ou poète, Malek Haddad avait répondu, tout simplement, qu’il avait trouvé dans le récit « un moyen de faire ressentir les blessures du peuple algérien » et de s’exprimer sur ses relations avec son pays. « Malek Haddad était un homme d’une extrême sensibilité, gentil, fidèle, humain par ses positions et de surcroît modeste », se souvient le poète Es-Saïhi, rapporte le quotidien le Jeune Indépendant.

Malek Haddad a été d’abord instituteur avant de s’inscrire à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, mais il n’a pu étudier. La guerre de Libération nationale ayant éclaté, il prit alors  » le chemin de l’errance « . A Paris, il travailla quelque temps à la radiodiffusion française. Ensuite, il effectua des missions en URSS, en Egypte et en Inde pour le compte du Front de libération nationale (FLN). De 1958 à 1961, il publie un roman chaque année. Après l’indépendance, il dirigea ; à Constantine ; la page culturelle du quotidien An Nasr de 1965 à 1968.

De 1968 à 1972, il fut directeur de la culture au ministère de l’information et de la culture et s’occupa du 1er colloque culturel national, en 1968 ainsi que du 1er festival culturel panafricain en 1969. En 1972, il fut nommé conseiller technique chargé des études et recherches dans le domaine de la production culturelle en langue française. En 1967, il fut nommé secrétaire général de l’Union des écrivains algériens.

De 1965 à 1968, outre des poèmes, de nombreux articles littéraires et culturels ont paru dans des périodiques algériens, surtout dans An Nasr. Il trouve la mort à Alger, le 2 juin 1978.

Tiraillé entre l’Occident et l’Orient, deux langues, deux cultures, deux façons de penser, Malek Haddad vit un conflit inextricable ; conflit qui prend des proportions dramatiques chez ce poète. Dans L’élève et la leçon, il fait dire à l’un de ses personnages :  » L’histoire a voulu que j’aie toujours été à cheval sur deux époques, sur deux civilisations.  » Cette attitude révèle chez l’auteur la conscience de l’acculturation ; il s’agit pour lui d’assurer lucidement cette double appartenance. “Ainsi, le conflit provoqué par le choc des deux cultures frise l’angoisse », estime le quotidien El Watan. Les personnages de Malek Haddad sont des intellectuels qui rendent hommage aux militants et aux combattants et honorent les martyrs.

Ses héros se sentent exilés au milieu des leurs, séparés de leurs parents par la barrière de la langue et la culture. Désillusionnés, il s’impose alors à eux une vaste quête de la personnalité, la recherche d’un moi enraciné dans l’histoire et projeté vers un avenir meilleur, « l’espoir d’un nous national, intégré dans le concert universel « . En ce sens, même s’exprimant en langue française, les écrivains algériens d’origine arabo-berbère traduisent une pensée spécifiquement algérienne. « Puisqu’il y a un problème, il doit y avoir une issue. Mais qu’on ne se fasse pas d’illusions, si nous sommes l’explication de ce problème, nous n’en sommes pas la solution… Notre utilité est indiscutable : nous resterons comme des leçons. Je crois surtout que nous sommes et serons des exemples typiques du gâchis et de l’aberration coloniale », soulignait le poète à propos de la problématique des langues. S’il y a un hommage à rendre au poète, c’est simplement de le lire ou de le relire.

Farid Ait Mansour

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