Ali Benhadj défie les démocrates

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Tout ce que les démocrates ont cessé de considérer comme danger pour la pensée libre, le libre exercice de la citoyenneté et le système démocratique vient de leur être rappelé bruyamment par l’ancien numéro deux du FIS, Ali Benhadj. En effet, dans un entretien accordé à El Khabar Hebdo de la semaine en cours, il n’a pas pris de gants pour (re)dire ses convictions de partisan d’un État théocratique. Cohérent avec lui-même, il n’a pas hésité à réitérer toutes les vieilles revendications du parti dissous en profitant du drame qui vient de frapper son foyer : la ‘’disparition’’ de son fils Abdelkahar. Ce qui d’abord frappe l’esprit dans cette médiatisation farfelue d’un membre influent, voire de premier ordre, de l’ex-organisation islamiste, c’est cette facilité paradoxale à accéder aux manchettes de journaux au moment où la loi lui interdit- en vertu des conditionnalités ayant accompagné sa levée d’écrou- toute expression publique et tout exercice de l’activité politique. Déjà, du temps où le parti dissous exerçait légalement ses activités, les pouvoirs publics avaient tenu à ce que Benhadj ne soit pas présent dans les médias lourds, préférant en cela le ton malicieux et hypocritement doucereux d’un Abassi Madani. Cela a pu contribuer certainement à la création du mythe Benhadj, connu comme dangereux tribun dans les lieux de culte.

Plus clairement encore, les clauses de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ne laissent planer aucune ambiguïté quant à l’interdiction d’exercice de l’activité politique frappant les responsables de la tragédie nationale, et Benhadj en est un. Au-delà des ces légitimes interrogations inhérentes à la forme et au contexte de la montée au créneau de Ali Benhadj, il y a lieu de prendre note de cette constance chevillée au corps et à l’esprit des islamistes radicaux qui les pousse à oser ‘’suspendre le temps’’ ; c’est comme si les dizaines de milliers de morts et les milliards de dollars de destructions générés par la subversion islamiste pouvaient passer par le compte ‘’pertes et profits’’.

Dans sa rhétorique où le fallacieux le dispute à la malhonnêteté, il essaye de faire ‘’passer la pilule’’ en considérant que « le terrorisme est, chez nous, une culture » (sic). Et, versant dans l’indécence, il donne l’extravagant exemple de l’hymne Min Djibalina (de nos montagnes s’est élevée la voix des braves hommes) entonné pendant la guerre de Libération, pour justifier la montée à la montagne des troupes fissistes. Il n’hésite pas non plus à faire dans la provocation et la confusion des genres en ajoutant que « le terroriste Carlos est l’ami de Bouteflika ; de sa prison, il lui a écrit une lettre. Moi, je n’ai pas pu écrire à ma femme depuis ma cellule ». Le journaliste a eu la présence d’esprit de lui rappeler qu’il avait écrit une lettre à Cherif Gousmi, un chef terroriste à qui il annonçait qu’il le rejoindrait dès sa libération.

Tel que se le figure Benhadj, l’État théocratique abolira le ministère des Affaires religieuses ; ce sont les citoyens qui construiront les mosquées et qui rétribueront les imams. Des écoles islamiques libres seront ouvertes à côté des…écoles laïques. « Et s’il nous était permis de construire des hôpitaux, vous verriez lequel d’entre nous pourra mobiliser le plus d’énergie ».

Décidément, le rêve du modèle islamiste n’est pas enterré malgré tous les sacrifices consentis par les Algériens pour construire une société libre et démocratique. Ayant constaté les déchirements et la déliquescence qui grèvent la vitalité de la mouvance démocratique et la régression culturelle dans laquelle sont plongées des franges entières de la jeunesse algérienne, Benhadj n’hésite pas à lancer le défi et à ironiser en s’érigeant en donneur de leçon : « Démocrates, coalisez-vous pour nous faire barrage ». Il sort pour cela de sa gibecière l’exemple des partis français qui se sont opposés à Jean-Marie Le Pen au 2e tour des présidentielles françaises de mai 2002 en votant massivement pour Jacques Chirac.

Et si la véritable ébauche de la construction démocratique passe justement par ce défi à relever : la convergence des forces démocratiques pour un minimum républicain qui puisse éloigner et même rendre caduque toute tentative de régression politique, qu’elle vienne des islamistes, du pouvoir ou des deux à la fois !

Amar Naït Messaoud

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