A la recherche de la confiance perdue

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Si la présence des gendarmes sur le terrain est parfois ostensible, surtout à proximité immédiate des grands centres urbains, il n’en demeure pas moins que la discrétion est de mise, un peu comme si ce corps privilégie le travail dans l’ombre, signe patent que la méfiance est toujours de mise et que beaucoup reste à faire !

C’est l’état des lieux de la maison gendarmerie qu’on a voulu décortiquer en passant une journée avec la brigade de gendarmerie de Tichy.

Notre travail, qui s’est fait, la précision est utile dans une transparence que pas une entrave n’est venu entacher, ne prétend pas à une quelconque exhaustivité ni même à une représentativité de ce corps à travers la wilaya et encore moins à l’échelle nationale. Il est, en un mot comme en mille, le résultat d’observations, relevées au niveau d’une brigade, celle de Tichy, dans une région doublement réputée pour son intransigeance face à toutes formes de dépassements et ses traditions d’accueil et d’hospitalité.

La brigade de gendarmerie de la coquette station balnéaire de Tichy, à 20 km de Béjaïa, qu’abrite un immeuble n’a rien d’un camp retranché. Il est vrai, que d’un point de vue, strictement sécuritaire, la côte Est, est un véritable havre de paix. Le rez-de-chaussée et entièrement occupé par les bureaux, les cellules de garde à vue, le célibatérium et les cuisines tandis que les étages abritent les familles. En somme une gendarmerie classique, du genre de celle de St Tropez, immortalisée par un certain Louis dit de Funes ! Si chacun est à son poste, c’est pour des tâches routinières du genre P. V. à taper, retard à rattraper… Et le Ramadhan aidant, il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Tout au moins pour la journée. Il y a une semaine, un important lot de pièces détachées, d’une valeur de 2 milliards de centimes a été intercepté et saisi.

“La traque au grand banditisme, dans une cité cosmopolite qui voit passer chaque jour des individus venus de tous les coins de l’Algérie est une préoccupation majeure“, nous confie le chef de brigade, l’adjudant Belfar Lamri, un vieux briscard qui a fait ses armes au Sud, paradis de toutes les fraudes et de tous les trafics. Pour l’heure, il s’échine à dénouer l’écheveau d’une rocambolesque affaire où s’entremêlent véhicule volé, fausse carte grise, grossièrement imitée, tentative de corruption, intermédiaire recherché et propriétaire présumé du véhicule placés en garde à vue… Les deux lascars, isolés dans des cellules individuelles, propres avouent n’avoir à aucun moment été molestés, ni rudoyés et qu’ils ont été tenus informés avant leur incarcération, de l’ensemble de leurs droits. C’est ainsi qu’ils ont pu joindre au téléphone leurs familles respectives. Nourris plus que correctement, ils ont même bénéficié de prodigalités non prévus par la loi : café et cigarettes à volonté. L’image vieillotte du gendarme inculte, porté sur la violence qu’il vit comme un exutoire à la cadence de travail infernale d’une brigade, de la cellule miteuse, des gardes à vue qui n’en finissent pas est à verser sur le compte d’une époque à jamais révolue. La prise en charge de 23 868 habitants n’est pas chose aisée. La complexité de la tâche impartie au gendarme exige de lui une parfaite connaissance du terrain et des grandes familles. Le rôle de relais entre le citoyen et la justice, la brigade de Tichy s’en acquitte plutôt bien. C’est ainsi que les citations à comparaître devant une juridiction, les convocations, les significations des décisions de justice, il est impératif de les remettre à l’intéressé, en main propre. Si le droit à l’erreur est toléré, c’est vraiment “border line” ! Nous eûmes donc à sillonner une bonne partie du territoire des deux communes de Djebira au n° 10, d’El Magt à Tagouba. Cette patrouille, s’il est vrai qu’elle n’apporte pas que de bonnes nouvelles, les citoyens le savent, est pourtant bien accueillie. L’autre corde à ajouter à l’arc de la brigade, c’est la quête incessante de la proximité. La patrouille ayant appris le décès d’un enfant, victime d’un accident de la circulation n’a pas hésité à faire un long détour, juste pour présenter ses condoléances à la famille éplorée.

Là où nous sommes passés, en sus des salutations d’usage, les jeunes surtout se rapprochent volontiers des gendarmes pour échanger potins et nouvelles. Dans certains villages isolés, la seule vue des “voitures vertes” suffit à rassurer des populations livrées à elles-mêmes et qui en cas de coup dur n’ont souvent que leurs bras, nus, pour seule défense. Ceci explique peut-être cela, la montée du banditisme est sûrement pour quelque chose dans l’amélioration des relations entre cette entité et les citoyens, par le truchement d’une sorte d’union sacrée autour d’un péril commun.

Ces relations respirent la sérénité. Des instants fugaces, des impressions qui s’entrechoquent, des certitudes acquises, des a priori qui s’effondrent, tout cela se dilue dans la nuit que seule la lueur blafarde des lampadaires rend moins angoissante. Le ton monocorde et mécanique relatant la saga de notre, mentor, vétéran de la lutte anti-terroriste, blessé plus dans son âme que dans sa chair nous plonge dans un engourdissement qui va crescendo jusqu’à l’entrée de Béjaïa. Puis, c’est le réveil brutal et l’émergence dans une cité qui grouille de monde. Le calme de Tichy l’endormie est loin, très loin déjà…

Mustapha R.

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