Une virée dans les marchés quotidiens, hebdomadaires et les boutiques de prêts-à-porter de la capitale nous édifie sur la saignée qui attend les Algériens à quelques jours de la fête de l’Aid. En effet, les sorties des familles se consacrent de plus en plus aux achats vestimentaires pour leurs enfants. Après les dépenses du mois de Ramadan qui ont éprouvé les portefeuilles avec des prix de fruits et légumes quasi inabordables, beaucoup de pères de familles, à leurs corps défendant, afin de suivre le rite musulman, qui n’est pourtant qu’une simple démarche qui consiste en se vêtir avec des beaux habits le jour de l’Aïd, font les acrobaties les plus spectaculaires (ils y en ceux qui l’ont déjà fait) pour satisfaire leurs enfants et faire comme tout le monde. L’Aïd El Fitr dans notre société est surtout des nouveaux habits pour les bambins, les gâteaux pour les amis et la famille. Peu importe si l’on doit hypothéquer les jours d’après, mais il n’est nullement question d’ignorer ces achats qui ne seront reçus comme facultatifs (les habits de luxe…), pourtant compris par tout le monde et explicité par les exégètes de l’islam, mais bien comme des impératives dépenses pour plaire à …ses propres enfants. Si le papa est plein aux as, la liste se prolongera de quelques centimètres et elle obtiendra gain de cause. En effet, pour célébrer dignement la fête de l’Aid El Fitr, après avoir bien gâté le ventre 30 jours durant, qui restera d’ailleurs gravé dans la boite à souvenir de la famille, beaucoup de familles ont souvent recours à ces pratiques, d’autant que des bambins avec des vêtements de luxe le jour de l’Aid confortera la réputation de la famille. Pour les amoureux du luxe, l’achat de vêtements pour leurs descendances se fera dans des boutiques de luxe à l’instar celles installées dans les quartiers huppés d’Alger pas voie de franchise. En effet si ces magasins qui s’en chargent, les clients auront un zéro souci au compteur concernant la qualité mais plusieurs zéros qui suivent le chiffres chocs portés sur la note.
Cap sur les marchés populaires
Hakim, un quinquagénaire rencontré au marché « T’nach », visiblement abattu traînant ses quatre mioches, écoutant le vendeur lui annoncer les prix des articles exposés. « Comment puis je acheter un ensemble jean trois pièces à 2600 DA et une paire de chaussure à 700 ? », nous a-t-il déclaré avec un regard tantôt sur les enfants-visiblement branchés sur la vitrine- tantôt sur son portefeuille. « Avec des bourses moyennes et parfois minables, que peuvent les Algériens faire ? », s’est-il interrogé. Un peu plus loin, Naima une dame d’un certain âge nous a avoué son sentiment vis-à-vis de cet état de fait : « Déjà durant les 11 mois, les salariés arrivent difficilement à boucler leurs mois. Je ne peux rien acheter avec une paye de 11000DA! » et d’ajouter : « Si je fais très attention et n’acheter qu’un vêtement pour mes 3 enfants, cela me reviendra au mois 4000DA et vous devinez comment cela sera le reste du mois ». Ces scènes auxquelles on a assistées ces jours-ci sont fréquentes. On en voit dans chacun des marchés d’Alger où la classe moyenne est l’actrice principale. C’est l’amère réalité du foyer algérien. Sur un autre chapitre, les produits chinois se sont taillés la part de lion dans certains marchés algérois. En effet, durant notre périple au marché quotidien « Dubaï », situé à Bab-Ezzouar, leurs prix sont des plus abordables pour les bourses faibles. Une paire de chaussure pour les enfants sont à 300DA, le jean pour garçon de six ans est vendu à 450 DA avec une possibilité d’arrangement …à la chinoise.
La friperie à la rescousse
Pour satisfaire un tant soit peu ses chers enfants, beaucoup de papas, la mort dans l’âme et faute de pouvoir acheter de nouveaux habits, prennent une autre destination pour s’en approvisionner, c’est les magasins de la friperie. Ce mode d’achat et de vente est apparu dans notre pays ces dernières années où les citoyens à faible revenu plongent à pied joint pour bien accomplir l’acte. Les prix sont standards : 100DA pour les petits habits, 300DA pour les grands habits. Rencontré dans une boutique réputée à la rue Hassiba, Oughlis, agent de sécurité dans une entreprise privée, avec un accent purement kabyle, nous avoue qu’il est habitué de la boutique d’autant qu’il sait dénicher des « nouveaux » habillements parmi cette marchandise. « Croyez-moi que je trouve des fois des habits de luxe et pourquoi donc je ne profiterai pas en achetant à mes enfants d’autant que ma paye malheureusement ne me permet pas », et d’ajouter : « De toute les façons les enfants s’habilleront de nouveaux et l’Aïd passera vite ». Même son de cloche chez Karima une sexagénaire accompagnée par ses deux fillettes, nous répond par ceci « moi personnellement je déteste l’Aïd El Fitr il ne fait qu’achever ce que laisse le mois de Ramadan dans le porte-monnaie ». De toute manière, et quoi qu’il en soit, et malgré la fébrilité et la tension qu’affichent les magasins, l’on ne ménage aucun effort pour satisfaire précisément les bambins. En clair, la fête de l’Aïd et le mois sacré coûteront dans notre société les yeux de la tête. Des sommes d’argent épargnées pendant des mois qui précédent ces deux évènements, sont versées sans avarice pour bien marquer l’événement qu’on oubliera parfois trop vite.
Salah Benreguia
