Un plaidoyer pour la culture de la tolérance

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l Il est difficile de parler sans passion de l’islam depuis le 11 septembre. Les attentats d’Al Qaida et la guerre en Irak ont engendré un climat peu propice à la réflexion d’où qu’elle vienne. Il suffit de constater la tempête de commentaires, souvent plus insensés les uns que les autres, soulevée par la conférence de Benoît XVI à Ratisbonne. Tout se passe comme si le monde se partageait dorénavant entre ceux qui veulent hâter une confrontation qu’ils estiment décisive avec l’islam et ceux qui travaillent à l’éviter.

Abdelwahab Meddeb, poète et écrivain et faisant partie de ceux-ci, porte en étendard sa double culture à la fois d’Orient et d’Occident. C’est un jardinier de la sagesse qui cultive des fleurs arabes dans des parcs à la française. Ses contre-prêches ne se contentent pas de visiter les songes polychromes de sa double généalogie. l’auteur soulève aussi le rideau des a priori et des ignorances dans les deux mondes où il se meut et trouve sur son chemin des raisons d’espérer.

Meddeb hâte le pas, non sans courage, pour faire progresser sa réflexion commencée avec La Maladie de l’islam. Ce qu’il y a de bien chez lui, c’est son calme de poète pour regarder la vérité des choses au-delà de la lettre des mots. Sa démarche ne relève jamais du banal où de la pose. Il pointe des archaïsmes, isole les ferments du fanatisme, met à nu l’incapacité actuelle de la civilisation arabo-musulmane à penser notre monde et à l’enrichir. “S’ils ne réorientent pas la perspective, on peut raisonnablement penser que les Arabes, confinés dans le cadre de la croyance islamique, sont destinés à rejoindre les civilisations mortes”.

Ce cœur mortifié n’a pas perdu sa générosité. Le terrible constat de Meddeb est tempéré par l’énumération des ressources dont l’islam dispose pour pouvoir s’adapter à ce qu’il est convenu d’appeler la modernité, Meddeb s’intéresse à tout ce qui peut donner à penser : peinture, poésie, Saint Augustin, tsunamis et déclarations tapageuses d’Alain Finkielkraut. De la France, ce camusien de Tunisie accepte le legs colonial et rend grâce à sa langue. Il mesure les reproches qu’il lui adresse. Chez lui, jamais d’amertume, mais une constance dans l’art de la nuance, une curiosité d’aristocrate du goût, comme disait Mallarmé.

Idir Lounès

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