La Direction de la culture ne ménage aucun effort pour répertorier les lieux qui nécessitent une réhabilitation et un entretien. Dans ses diverses initiatives, il nous a été donné d’apprendre qu’une délégation du patrimoine s’est déplacée dernièrement à Tafoughalt dans la commune d’Ait Yahia Moussa sur invitation du comité dudit village dénommé Tadukli. Ainsi, trois membres accompagnés des responsables du village ont fait une sortie sur trois sites en quête de classement et d’inscription dans le patrimoine de la wilaya. “Nos hôtes ont montré leur curiosité et leur intérêt pour les trois lieux visités”, nous a dit M. Bendali Sadek, président de Tadukli. Durant cette visite guidée, les membres de la délégation ont eu les réponses à toutes leurs questions inhérentes aussi bien à l’histoire des sites qu’aux valeurs culturelles du village.
Au cours de ce périple, des photos ont été prises pour servir éventuellement d’appui pour la reconnaissance de ces vestiges.
Première halte, Iderouazen. A ce niveau, la délégation et ses accompagnateurs ont eu le droit d’explorer l’Djamaâ ou Mosquée. Les guides ont retracé l’histoire de ce lieu, ce mausolée du chef de l’ancienne tribu qui avait régné pendant deux ou trois siècles avant dans la région. Il avait, raconte-t-on, une armée composée de 80 soldats qui se déplaçaient à dos de cheval. Quarante portaient de longues barbes tandis que les quarante autres la rasaient. Ce lieu “Assas Iderouazen” est toujours là, témoin de cette époque. Deuxième lieu : la mosquée Sidi Boubekeur. Les visiteurs se sont intéressés aux explications fournies par les membres du comité. A ce sujet, ces derniers sont longuement revenus sur l’histoire de ce lieu de culte. C’était une mosquée d’une grande importance pour tous les villages voisins ; elle avait contribué à préserver la religion d’une part, comme elle a servi à l’apprentissage de la langue durant la période de la colonisation d’autre part. Pour l’histoire de sa construction, elle est fabuleuse. Elle a été réalisée solidairement par les villageois. Pour ceux qui en souviennent, les matériaux, qui avaient servi à sa construction, avaient été transportés par une file humaine sur une distance d’un kilomètre, de l’oued jusqu’aux hauteurs du village. Les responsables de Tafoughalt ont insisté sur sa restauration. Cette mosquée avait été aussi un lieu de propagation et d’ancrage pour le mouvement national jusqu’au recouvrement de l’indépendance. On raconte que le colonel Ali Mellah y venait chaque vendredi pour non seulement accomplir sa prière hebdomadaire, mais aussi pour rencontrer les premiers militants de la cause nationale. Ce village, ne l’oublions pas, avait enfanté de nombreux militants. Aujourd’hui, au niveau du carré des martyrs qui lui aussi attend des réaménagements et une prise en charge effective, reposent plus de cent cinquante chahids sans compter ceux, tombés au champ d’honneur dans d’autres régions. Le dernier lieu réservé pour la délégation a une histoire mythique. A Ikharvan, place communément appelée “Dix-neuf Zaouias”, se trouve la tombe de Sidi Ahmed Boumhala. C’est grâce à la sagesse de cet homme pieux et noble qu’une “guerre fratricide” eut cessé au début du siècle dernier. Devant l’incompréhension des belligérants, Sidi Ahmed avait failli se désespérer. D’ailleurs devant cette situation, il prononça ce dicton kabyle ô combien significatif : “Ouh ! Uh Yella tazmert ulach”, en d’autres termes, le cœur y est, mais point de puissance, pour dire que cela le dépassait et pourtant il voulait arrêter l’effusion du sang. Grâce au respect qu’on lui reconnaissant même en dehors de son village, ce sage put faire intervenir les dix-huit nobles de dix-huit zaouias d’Ifflissen pour trouver une sortie à cette situation. Associant sa zaouia aux autres, les sages avaient finalement pu réconcilier un traité de Paix. Pour lui reconnaître cet exploit, les Tafoughaltois décidèrent de l’enterrer au dit le 22 juillet 1935 (date de son décès). Ils lui construisirent un tombeau qui sera détruit par les soldats français… Après l’indépendance, on a reconstruit la tombe de Sidi Ahmed Boumahala. En attendant que ces lieux, qui ont tant intéressé les responsables de la culture, soient reconnus comme tels, les jeunes de Tafoughalt devraient prendre en exemple l’action de cet homme qui a su ancrer cette valeur universelle porteuse d’humanisme et de tolérance.
Amar Ouramdane