Récit d’une réinsertion dans la vie

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Après “la Prisonnière”, Malika Oufkir, la fille du général marocain Oufkir, entame sa réinsertion dans le “monde libre”. Non sans humour.

Elevée comme une princesse à la cour de Hassan II, Malika Oufkir avait 18 ans quand son général de père tenta de renverser le monarque. Celui-ci ne se contenta pas de liquider le putschiste : il emprisonna également sa femme et ses six enfants. C’était en 1972. La famille Oufkir croupit dans les geôles marocaines pendant quinze années, s’évada, fut reprise et passa les cinq suivantes assignée à résidence. Arrivée en France en 1996, Malika, l’aînée de la fraterie, raconta son calvaire dans la Prisonnière, en 1999. Ce best-seller mondial traduit en 26 langues était écrit avec Michèle Fitoussi. Aujourd’hui, c’est en solo que la princesse déchue continue d’exorciser le passé. Dans l’Etrangère, pour lequel son amie journaliste s’est contentée de signer la préface, elle raconte sa lente réinsertion au sein de cet étrange “monde libre” où l’on rentre chez soi en tapant un Digicode et où l’on règle ses achats avec une carte en plastique. Pleine d’humour, l’auteur ne manque pas d’anecdotes. Parfois, pourtant, sa naïveté agace. Heureusement, sa sincérité ne fait aucun doute. Et une allusion à des souffrances plus profondes, comme celle, obsessionnelle, de ne pouvoir enfanter, à la suite des mauvais traitements qu’elle a subis, suffit pour raviver la bienveillance. Et pour dérider, aussi. Quand elle évoque cette journaliste occupée à disséquer sa pizza, c’est son rapport à la nourriture, bouleversé par les années de privation, qui affleure de façon à la fois drolatique et dramatique Amour d’un homme, adoption de deux enfants, émigration à Miami : on retiendra surtout la rage de vivre d’une femme ayant appris à savourer son amère liberté.

Idir Lounès

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