Le mentor des plus grands

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Toutes les imperfections pouvaient être compensées par la chaleur des retrouvailles, et les organisateurs de cet hommage à Kamal Hammadi ne le savaient peut-être pas, eux qui ont mis tous les moyens “disponibles” pour que cette soirée soit un réel moment de bonheur radio et de bonheur tout court. L’Auditorium n’est peut-être pas l’espace rêvé pour l’événement et le dévouement du service production de la Chaîne II insuffisant, mais il était tacitement entendu que la dimension de l’homme pouvait colmater toutes les brèches. Celle d’un orchestre qui manque visiblement de préparation, comme celle d’un public tellement trié qu’il lui manquait cette énergie naturelle nécessaire pour accompagner la soirée. Mais qu’à cela ne tienne. Un homme qui a composé plus de deux milles chansons pour des dizaines d’artistes différents, écrit des dizaines de pièces radiophoniques et autant d’opérettes pouvait convoquer trop de monde et de choses pour qu’on s’arrête à des détails. Il n’y avait que lui pour réussir ça. Nous remémorer qu’il y a eu des chanteurs qui s’appellent Slimani, Hamid Louagrani, Mouloud Habib et bien d’autres. Trahis par une carrière éphémère, ils sont tombés dans l’oubli. Avec des fortunes diverses, mais oubliés quand même. Et en prime, ils ont en commun l’embonpoint ou le “décharnement”, la crinière blanche ou le crâne désert. Ils étaient là et c’est tout ce qui comptait ce soir. Il n’y avait pas que ceux-là. D’autres qui ont réussi des carrières brillantes sont aussi venus rendre hommage à celui qui y a été pour quelque chose dans leur parcours. Lounis Aït Menguellet pour dire sa première rencontre à l’âge de 13 ans avec Kamal Hammadi et nous apprendre que celle-ci n’était pas en rapport avec une quelconque activité artistique, mais à un lien de parenté entre les deux artistes.

Voilà pour l’inédit, le reste est connu. De l’inédit, il y en aura aussi avec Akli Yahiatène. On saura ainsi que c’est à la faveur d’un gala pour les malades de l’hôpital de Aïn El Hammam en compagnie de Kamal Hammadi et Taleb Rabah que Akli Yahiatène a été inspiré pour Ezzin Di Michli. Autre révélation, c’est donc bel et bien Kamal Hammadi qui a composé l’unique succès d’El Anka en kabyle Izriw Yeghleb Lehmali et il a raconté les larmes d’émotion du grand maître chantant pour la première fois dans sa langue maternelle. De l’émotion, il y en aura surtout quand Nora entamera à partir de son siège son fameux Adrar Nedjerdjr Alayen. Physiquement diminué, elle a quand même tenu à être là. Pour ce qu’elle a vécu avec Kamal dans le chant et en dehors. Et en plus, elle a parlé. Dans un parfait kabyle s’il vous plaît, elle dont la rumeur dit qu’elle ne connaît de cette langue que les textes qu’elle chantait. Chérif Kheddam interviendra à partir de Paris pour dire son admiration pour Kamal et l’amitié qui lie les deux hommes depuis quarante-cinq ans. A son tour, Kamal racontera comment, à l’Indépendance, Chérif a accepté spontanément de rester au bled pour contribuer à l’essor de la chanson kabyle. C’est Karima, belle et motivée qui a inauguré le tour de chant et ce sont deux jeunes dont le nom n’évoque pas grand chose pour le moment qui le clôtureront. Deux générations, puis une troisième et une quatrième que Kamal a rassemblées parce qu’un jour il leur a dit que la réussite est possible sinon de belles choses. Comme ce soir, il n’y avait que de belles choses. La réussite, elle, n’était pas obligatoire.

Slimane Laouari

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