Pas de tango pour Aboudjerra

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Par Anouar Rouchi

La sortie intempestive du ministre Soltani et du chef du MSP Aboudjerra – ou Abouguera ou encore Abouguira – sur les boissons alcoolisées n’a pas suscité, au fond, de grandes réactions, exception faite de celle du ministre des Affaires religieuses. Aboudjerra est catégorique et ferme. Il faut interdire non seulement l’importation mais aussi la production des boissons alcoolisées. Ghoulamallah lui rétorque que c’est impossible parce qu’il y a des étrangers non musulmans, donc buveurs d’alcools, qui visitent notre pays. Un chef-d’œuvre d’hypocrisie !

Non ! Les Algériens ne boivent pas ! Il n’y a pas de bars et il n’y a pas de restaurants qui servent de l’alcool dans notre pieux pays. Les seuls bars qui existent sont bouffés par les toiles d’araignées à force de n’être pas fréquentés et leurs patrons songent sérieusement à s’expatrier ou à troquer la bouteille de Tango contre le sachet de lait fermenté. Il y a d’ailleurs un point commun entre ces patrons et Aboudjerra, puisque lui aussi semble désormais dédaigner l’argent de Tango et lorgner vers l’Arabie Saoudite dont il fait l’éloge appuyé. Que notre ministre d’Etat sache qu’il peut s’expatrier en Arabie Saoudite et s’y installer définitivement. Des millions d’Algériens, buveurs ou pas, sont prêts à cotiser, le cas échéant, pour lui payer le voyage. En fait, le plus hilarant dans l’affaire est qu’il se dit prêt à quitter le gouvernement si ses desiderata ne sont pas satisfaits. ça, c’est tout simplement grotesque- on se rappelle tous les exercices de contorsionnisme auxquels il s’est livré pendant de nombreux mois pour décrocher un fauteuil de ministre d’Etat sans portefeuille. D’ailleurs, les premiers à être surpris par sa sortie médiatique sont ses propres collaborateurs au MSP qui jurent n’avoir pas été consultés et qui se démarquent- intimement – de ses propos. Ces collaborateurs savent que leur chef ne croit rien de ce qu’il dit et que, ce faisant, il ne fait que siffler le départ d’une campagne électorale qui promet d’être riche en surenchères. Mais ils savent aussi que ses propos sont tellement gros qu’ils en sont ridicules et que c’est l’ensemble du parti qui risque d’en payer les frais. De là à miser sur une levée de boucliers interne visant à déchoir le chef impétueux…

Aboudjerra fait plus fort encore. Il affirme, en regardant l’Algérie dans le blanc des yeux, qu’il détient des dossiers lourds et nombreux qui mettent gravement en cause de hautes personnalités de l’Etat. Il ne donne, bien sûr, ni l’identité, ni la fonction ni la nature des crimes ou délits dont se seraient rendues coupables ces personnalités. Il estime qu’il n’est pas encore temps pour le faire. Ce en quoi il est en conformité avec sa philosophie et son idéologie. Ces criminels de haute voltige, si tant est qu’ils existent, n’echapperont pas à la justice divine. Ils payeront bien dans l’au-delà et ils grilleront en enfer au grand bonheur des millions de pauvres bougres qui ont du mal, ici-bas, à assurer leur pain quotidien.

Le ministre des Affaires religieuses a réagi. Avec une forte dose d’hypocrisie mais il a réagi quand même. Et c’est bien. Mais qu’attend donc le ministre de la Justice pour se manifester à son tour ? Qu’il demande, qu’il exige du sieur Bouguerra la remise à l’instance judiciaire de ces dossiers !

Mais, vous diront les observateurs les plus avertis, personne, en haut-lieu, ne prête attention aux boniments du ministre d’Etat. Il se dit partout que Tango a coupé les vivres et que, depuis, Aboudjerra en est saoul…

A. R.

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