Un jeune se remet après 20 jours de coma

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La nuit est déjà tombée depuis un bon moment. La route n’apparaît plus qu’à travers les reflets des lumières des villages environnants. Un jeune homme de vingt-quatre ans circule sur le bas-côté de la chaussée, sur la route menant de l’embranchement d’Ifigha vers Souama, rentrant chez lui, après une journée de dur labeur.

Quelques heures plus tard, sa famille s’inquiète. Saïd n’est pas encore rentré, en dépit de l’heure avancée. Son téléphone portable a certainement résonné longtemps puis les batteries ont dû lâcher puisqu’il n’est “plus joignable”. Tout le voisinage est réquisitionné pour une battue à travers toute la zone, à la lumière des phares et des lampes de poche. Battue vaine. Battue infructueuse. La famille continue les recherches, gardant toujours espoir, des passants ayant affirmé avoir vu Saïd cheminer le long de la route, ayant quitté l’embranchement de Boubhir. Il n’était pas loin d’arriver. Cela encourage les recherches et l’on finit par découvrir le jeune homme gisant inanimé, dans le fossé, avec un blessure sur l’occipital gauche, juste derrière l’oreille. Aucun mouvement. Rien, sauf quelques battements du cœur presque imperceptibles. Comment cela a-t-il pu arriver ?

Toutes les supputations sont permises. Toutes les suppositions sont de mise. Aurait-il été agressé par un individu ? Mais son argent et son téléphone portable sont toujours là. Aurait-il été percuté par un véhicule ? Mais le chauffeur ne se serait pas arrêté pour lui porter secours ! Aurait-il été touché par le rétroviseur d’un camion sans que le chauffeur se soit rendu compte de l’accident ? Possible. Mais nul ne peut préciser les causes de cette bosse à l’occiput et le principal n’est-il pas de s’occuper du blessé qui est aussitôt évacué vers les services hospitaliers où son coma dura plus de vingt jours. La famille éplorée, n’a pas manqué d’être à ses côtés, de l’autre côté de la vitre. Attendant un signe de vie, un mouvement des paupières qui ne veulent pas s’ouvrir, un tremblement de cette main qui reste immobile, le moindre signe de reprise de conscience, le moindre mouvement, gardant toujours espoir et refusant de croire ou d’entendre d’autres paroles que celles du cœur paternel, maternel et fraternel, entretenus dans cette pensée par les médecins qui ont toujours affirmé qu’il se réveillera bientôt.

Cela a duré plus de vingt jours. Chaque jour d’attente, d’espoir nourri malgré l’absence de signes, vingt jours durant lesquels tous ont veillé, tous ont prié et tous ont espéré. Aujourd’hui, Saïd a réintégré son domicile parental. L’on ne peut pas dire qu’il est guéri totalement, mais il reprend vie lentement, encore sous l’effet du traitement médical. Saïd n’a pas encore parlé de ce qui lui est arrivé. Peut-être ne s’en souvient-il même pas. Sa famille cultive l’espoir de le voir reprendre des forces, se lever et reprendre sa place parmi les siens. Youcef, le père, l’a résumé en un mot : “Je ne veux rien savoir. Je veux que mon fils vive ! C’est ça qui m’importe le plus”. Ainsi, un jeune homme qui ne demandait qu’à vivre, travailleur et sérieux, a vécu une période durant laquelle il a lutté, seul contre la mort, tout seul malgré la présence des proches, dans le silence du milieu hospitalier qui a brillé par un soutien exemplaire, parce que, durant la nuit, tous les chats sont gris et parce que, durant la nuit, l’humanisme a déserté les cœurs de ceux qui, une fois sur la banquette du chauffeur, face à des pédales obéissantes, oublient leur devoir et ne pensent qu’à appuyer sur le champignon !

Saïd oubliera certainement puisque Dieu a doté l’être humain de ce moyen de survie. Mais que penser du chauffard qui, lui, aura toujours sur la conscience le fardeau d’avoir provoqué un accident, et comble de lâcheté, d’avoir ajouté le délit de fuite à cela. Sa conscience survivra-t-elle à ses actes ?

Sofiane Mecherri

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