“Tisugha N Idammen” de Abdellah Arkoub

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Quand les étals des librairies s’étoffent et se garnissent de nouveaux titres, on ne peut s’empêcher de croire que les lendemains seront meilleurs. D’autant plus pour une langue telle la nôtre, qui n’est qu’à ses balbutiements dans le domaine de l’écriture. On ne peut cependant dire que nous avons assez écrit, car nous n’aurons jamais assez écrit. En d’autres termes, tout ouvrage qui voit le jour en tamazight ou sur tamazight, quelque soit son genre est le bienvenu.Tisugha N Idammen (Les cris du sang) de Arkoub Abdellah, président de l’association culturelle Youcef Oukaci, est un témoin pour les générations futures sur cette période de la lutte pour l’identité et culture amazighes. C’est un témoin de la résistance d’une jeunesse, témoin d’une oppression qui s’ingénie de plus en plus à réprimer ces énergies et les talents comme le dit dans sa présentation, l’auteur lui-même.Tisugha n idammen est un mélange de nouvelles qui ne sortent pas de ce thème de la résistance et du cri de détresse et de poèmes. Le tout est ponctué de citations connues, pour certaines d’entre elles et non connues pour d’autres.L’hydre obscurantiste qui a longtemps endeuillé notre pays a également interpellé la conscience de notre poète. Il ne peut rester de marbre quand des innocents tombent comme des mouches, il ne peut rester insensible quand les intellectuels, les journalistes et les artistes se font abattre comme de vieux chênes. Abdelhah écrit dans l’un de ses poèmes (p21) : Mi nettru nemdhel yiwenmi nemdhel yiwen nettruMi Meqqin a nruh à nettruAzekka a d-nughal à nettru(En pleurant l’un des nôtresNous enterrons en pleurant l’autreAvant de sécher nos larmesle lendemain nous pleurons de nouveau)

Tisugha n idammen est réparti en quatre chapitres Inigi (le témoin), Awal yughal d asefru (La parole se transforme en poème), Iliade (iliade) Tafrara (l’aube). L’auteur cite en autres, Mouloud Mammeri, Tahar Djaout, Matoub Lounès, Benaï Ouali, Bessaoud Mohand Arab, Mohamed Haroun et Abbane Ramdhane.Point de vue structure, le poète a emboîté le pas aux autres poètes qui ont jusque-là utilisé les deux structures les plus courantes dans la poésie kabyle, à savoir la rime croisée et le AAb, dans la structure sizain et quatrain pour la première rime citée, et le tercet pour le AAB.Tisugha n idammen a été préfacé par Hacène Hirèche ainsi que Abdesslam Abdennour qui a écrit la 4e couverture. Etant un enseignant dans la langue de Massinissa, l’auteur n’a pas pu s’empêcher d’injecter quelques dizaines de néologismes dans ses textes.Un devoir sans doute pour lui qui le fait à longueur de journée avec ses élèves. Cependant, la langue souple, fluide et simple qu’il balbutiait en tétant le sein de sa mère, ne peut être marginalisée en pensant à sa génétrice et ces autres vieilles femmes qui nous ont légués cette langue, belle et rebelle.

Salem Amrane

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