L’interminable cri

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“Des soliloques hypermétropes”, est le premier livre de Mohand-Améziane Haddag. Ce recueil de poèmes édité en France chez Librairie-Galerie-Racine, renferme soixante dix textes.Avec des mots crus, pertinents et dits perturbants, le poète nous provoque à ne nous concevoir que critiquables. Mais il nous apprend aussi à assouvir ce pesant besoin d’expulser en nous toute cette continuité d’être incompris, las d’avoir tant résisté poireauté et vieilli.De notre existence à outrance obnubilée doit vaille que vaille fuser une lueur éclatante. C’est en fait, le message numéro un de l’auteur, qui se précipite d’ailleurs, dès le commencement à le signifier. “A tous ceux souffrant de ne pas pouvoir rendre visible la lumière qui les habitent et s’échinant à y parvenir”, écrit-il en guise d’une dédicace. Mohand-Améziane Haddag est médecin de formation. Cela ne l’a pas non-plus empêché d’avoir beaucoup de passion pour la création littéraire. Il est de ces très rares poètes ayant l’hardiesse de mettre à nu le sentiment, l’intimité et la timidité qui éructent en nous des errements tortionnaires et bannissant cette fournaise attisée qui nous incinère les tréfonds. Dans son livre, cet enfant d’Azazga refuse à cor et à cri, de prôner l’absurde, de se taire, de ne parler qu’à soi et intérieurement. Il élève sa voix dans un cri interminable où le scientifique s’emmêle au littérateur pour dénoncer, juguler l’inculture et stimuler les gens à apprendre à dire non, si ce n’est plus !“PenserUn méta-combat musardantComme une joieQui déporteLa pestilence cynique des bourrasques coquettesQui te serpentConnais-tu le secret de la mante religieuseTes rires impudiques te figentDans les crépuscules écœurantsQui pourrissent tes voyagesMangeurs de passéL’agora aux palabres nouant la sourceTentation abjecte de gens de rienEt bien plus basPLus bas que marge des désastresLa tribune des hurluberlusPaltoquets et guemnuchesIncultes.Distille les illusions qui lèvent le désertL’uniformité qui perdS’achève la promesse de la route d’asileDu buisson aux murs de la servitude.Et l’ignorance épouse les braises du cérémonial itératif”Ce n’est pas du tout aisé d’accéder à la poésie de Mohand Améziane Haddag. Celle-ci porte, en elle, voire hantée d’idées complexes et pleines de sens, ayant pour prédilection la multitude, la vision critique et la sceptique.Chaque ver se charge de ses tourments débusqués pour aller ensuite avec le reste. La lâcheté, la médiocrité, le laisser-aller,le reniement et bien d’autres vices s’y trouvent rejetés avec énergie même,sinon condamnés. L’auteur nous rappelle à un certain moment que nous sommes tous dans le même pétrin. En déchaînant son courroux, il nous fait savoir également son attachement viscéral et son amour définitif à la poésie. Il reprend, à l’aubaine, un succinct passage d’Henri Poincaré qui dit ceci : “Les poètes l’emportent en découverte sur les scientifiques, le hasard d’une rime fait ressortir tout un système de l’ombre”.“Arc boutéeSur les fétus d’ancreTes tumultes de légendesTon corps de désertSous les volutes de déchéancesLa morsure faufilanteQui transborde et effaceEt les plaintes ne sont que flots supplémentairesJe veux alphabétiser ta douleur”.Mohand Améziane Haddag, n’est, somme toute, pas uniquement poète, mais romancier, essayiste et conteur aussi. Il divulguera quatre autre livres, sous peu. Il s’agit notamment d’un roman intitulé “L’envol suspendu”, d’un recueil de contes kabyles, avec traduction en français, “Aherremram Azerremram”, mais aussi d’une esquisse d’une anthropologie de l’Algérie, culturelle et socio-politique titrée “Le Passé impensé”, ainsi que d’un essai d’une anthropologie culturelle de la Kabylie traditionnelle et son évolution.

Mohamed Aouine

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