Le Marathon des dunes révèle Biskra

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Par notre envoyé spécial, Djaffar Chilab.

De l’intérieur El-Kantara est belle. Telle une belle nana qui vous fait machinalement vous retourner pour la suivre du regard, il est autant difficile de détacher la vue du pittoresque paysage sauvage de la région. C’est superbe, surtout quand il fait beau. La palmeraie, le village rouge…El Kantara n’est pas aisée à décrire. Elle est sublime. C’est la beauté du Sahara. On se sent dans le Sud mais on n’est pas complètement déconnecté du Nord. Le vert tient toujours sa part dans le décor. Des rivières coulent au pied des immenses masses rocailleuses. Leur eau est nickel. On dirait un miroir mouvant, éclatant par le réfléchissement des rayons du soleil. Ce n’est pas de l’or mais ça brille. On se rassasie, on jouit à “l’œil” ! Et forcément ça séduit le touriste d’un séjour. Mais pour y vivre, c’est une tout autre histoire.

A défaut de pneu, tout est «à vendre»…

D’ailleurs, tout ou presque est à vendre sur place. Surtout au chef-lieu de la wilaya, Biskra. Quasiment devant chaque porte, la mention «A vendre» est gribouillée avec un numéro de téléphone à côté. Ce n’est pas bête ! Mais renseignement pris, apparemment, on n’est pas loin de…la bêtise. Explication : «En fait, les gens ne vendent pas tous, rare ceux qui ont vraiment l’intention de vendre vraiment. C’est comme les gens du Nord qui mettent un pneu sur le toit, ici c’est notre astuce pour éloigner le mauvais œil. Mais il y a aussi certains qui veulent voir combien valent leurs bâtisses, juste comme ça. Il y a aussi des rumeurs qui disent que l’Etat démolira les vieilles maisons pour en construire d’autres», nous narrait avec le sourire un transporteur qui affichait également son véhicule…à vendre. Mais il ne vend pas bien sûr ! Il se dit très attaché à sa seule source de revenus. Tout comme le sont les Biskris à leur ville. Une cité plate, immense, partagée entre anciens quartiers faits de vieilles maisons en terre, et nouveaux construits en dur. Les constructions ne sont pas hautes. Les feux multicolores régulant la circulation fonctionnent à plein temps. Les rues sont bitumées. Les commerces pas vraiment ornés. Il ne faut pas chercher le luxe à Biskra. L’hôtel «Les Zibans» est le seul refuge de cette nature. C’est dire que beaucoup d’efforts restent à faire dans ce contexte. Ce n’est pourtant pas quelque chose de compliquer : Faire pousser un ou deux complexes touristiques pour accompagner cette attraction naturelle que dégage la région.

Sidi Zarzour, le saint qui s’accroche, et accroche

Les paysages sont féeriques, chaque site diffère de l’autre et cache une histoire. La légende Sidi Zarzour n’a rien perdu de sa spiritualité. L’énigme s’est promue mythe. Le tombeau du Saint tient toujours bien au milieu du grand fleuve qui cicatrise la ville. Aucune furie des eaux qui se sont succédées à travers l’histoire n’a réussi à l’emporter. Dans les robinets, l’eau coule à flots. Mais pas l’alcool. Le vin, la bière se vendent en cachette par…des clandestins. Il faut donc les connaître pour… Les dos d’ânes sont par contre fréquents. Tout comme sont disponibles au choix les CD mp3 sur les étals, on dirait quelque chose de parfaitement légal ici. Le raï se consomme bien même si a priori, on sent à travers la rue un mode de vie plutôt réservé. Le voile est prisé. Les traditions sont ancrées. On ne célèbre pas les fêtes mixtes. Les jeunes ont les mêmes désirs qu’ailleurs mais lorsqu’il décident de se marier, on a tendance à lorgner vers «ouehda matchi qaria bezaf» qui restera à la maison. «A Biskra, il n’ y a pas de places pour les couples. Pas de lieux de rencontres à part le lycée et l’université. Sinon il faut aller là où on ne vous connaît pas, à Batna», à quelques 100 km. «J’ai une amie mais on ne se parle qu’au téléphone. Sinon les gens vont jaser, et ce n’est pas une chose qui se pardonne. Toute une famille s’en est prise à un ami juste parce qu’on a dit qu’il fréquentait leur fille. On l’a d’ailleurs obligé à se marier avec. Même si vous êtes fiancé, il faut qu’une troisième personne de la famille de la fille vous accompagne lors des rencontres». Il fallait vraiment insister pour avoir ces propos d’un chauffeur de taxi. A Biskra, les gens n’ont pas de notion de temps ni de la distance. On semble vivre au ralenti. Tout à l’heure peut équivaloir à des heures. Comme vaudrait «juste à côté» à des kilomètres. C’est une question d’habitude. La radio locale passe un peu de tout. Un instrumental de Intas de Brahim Tayeb est même repris presque en boucle musicale de transition. Ici, on est fier de Houhou, l’ancien ministre, de Saïd Barkat qu’on dit «très ami avec le Président Bouteflika», de Fella Ababsa dont la commune natale serait passée lors du nouveau découpage local de la wilaya de Batna à Biskra. Si El Houas, le légendaire guerrier est aussi d’ici.

A M’Chounche, village natal de Si El Houas

Autour de la ville de Biskra, et hormis El Kantara, il y a le village d’El Hadjeb, Sidi Okba, Aïn Zatout, les balcons de Gouffi, Tolga…de grands lieux pour séduire le regard. Il y a aussi Hammam E’Salhine et M’Chounche, le village natal du héros de la Révolution, Si El Houas, le compagnon proche de Amirouche. Les habitants de ce patelin se revendiquent Amazighs. Le signe des Imazighens est d’ailleurs peint en grand sur une bâtisse nouvellement construite en dur. On respire le chaoui en abondance. Devant les portes des maisonnettes, des plaques portant la mention «A vendre» y sont aussi suspendues. Sans numéro de fil ici. Le téléphone n’est pas à la portée de la population locale. Cette dernière vit encore de son histoire. Du symbole Si El Houas. Tout au bout du village, en contre-bas de l’immense falaise qui stoppe net la route, une rivière coule en cachette. Le tableau est accrocheur. Les palmiers qui longent le cours d’eau semblent se prosterner devant l’immensité de la falaise qui monte vers le ciel. Le rocher change de couleurs au fil des heures et des parties du jour. C’est jaunâtre le matin, ça fonce au zénith, et ça vire carrément vers le rouge brique au coucher du soleil… Ici la terre ne tient pas qu’à une seule couleur. Dans le temps on dit que le célèbre acteur français, Fernandel était un habitué d’un restaurant du coin qui n’est plus sur la carte. Il aurait même paraphé «le livre d’or» de l’établissement qu’on ne retrouve plus. Il n’y avait pas que Fernandel bien sûr…

Sidi Okba : autre lieu, autre histoire

Le village est renommé par sa grande mosquée, un haut lieu de culte musulman. Le reste passe pour un grand musée à ciel ouvert, comme l’est le village rouge d’El Kantara. Aïn Zatout, constitue également une halte touristique attrayante. La majorité des occupants du village perché à des centaines de mètres en altitude sont berbères. L’environnement est typique aux villages de Kabylie. On s’y croirait d’ailleurs. Le figuier se mêle à l’olivier. Les palmiers ne sont pas loin. Le décor est magnifique. C’est une autre facette de Biskra aux multiples visages. Biskra qui reste cependant à promouvoir. Et à bien sécuriser. Car sur place, l’étranger a comme l’impression que le danger n’est jamais loin. Les participants au Marathon l’avaient en tous les cas bien senti. Mais ils disent qu’ils repartent enchantés par l’expérience, et comptent revenir au prochain. Encore plus nombreux…

D.C.

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