Sous d’autres cieux la protection du patrimoine culturel et historique est une affaire très sérieuse qui ne souffre aucun écart ni lacune. Son atteinte soulève systématiquement des vives réactions chez les autorités comme chez le peuple et elles ne s’estomperont pas avant que les choses ne soient remises à leurs places initiales, c’est-à-dire la réhabilitation complète du monument atteint ou agressé. Les travaux s’effectuent sous l’œil vigilant des citoyens et des autorités avec tout le respect et la rigueur qui s’imposent.
Dans notre pays où la culture reste toujours en jachère, la tache de restauration ou de réhabilitation de certains monuments historiques est souvent confiée à des mains peu crédibles pour une telle tâche. C’est le cas notamment du mausolée romain du village de Taksebt dans la commune des Iflissen, détruit partiellement, pour rappel, par le terrible séisme du 21 mai 2003 qui a ravagé tout le centre du pays. Le site millénaire a bénéficié d’une enveloppe conséquente pour sa restauration mais au terme des travaux le résultat est plus que grossier.
En effet, le projet a été confié à une entreprise qui est loin de présenter sur son C.V. une quelconque capacité dans le domaine de la restauration d’ouvrage historique et archéologique. Mais, plutôt elle est spécialisée dans le nettoyage et l’entretien. Une indication vague qui met à caution toute sa crédibilité de l’entreprise. Les travaux ont démarré au début de l’année 2005.
Rappelons avant de poursuivre que la population du village millénaire était abattue après la destruction partielle du mausolée et le projet de sa réhabilitation devenait le leitmotiv des discussions chez les habitants. La population qui n’espérait en fait que la restauration du mausolée, était soulagée de voir les ouvriers arrivés avec leur barda de matériel. Seulement, une fois les ouvriers attelés à la tâche, le professionnalisme de l’entreprise laisse à désirer et l’enthousiasme des habitants a été de courte durée.
Les citoyens familiers du site ont suivi les premiers coups de pelles avec un grand intérêt avant que leur sentiment ne cède vite la place à l’appréhension et la colère. D’autant plus qu’ils ignoraient jusqu’aux traîtres détails du cahier des charges de la réhabilitation ainsi que le montant de l’enveloppe jalousement gardé secret par les responsables de l’entreprise et les autorités locales.
Les citoyens qui tentaient d’avoir une idée précise de ce qu’adviendra le mausolée à la fin des travaux, étaient déroutés par les propos des ouvriers qui mêlaient des propos et explications sur la restauration, la réhabilitation, la remise en état initial du mausolée ou l’élimination du danger que représente l’inclinaison des pierres etc.… Après le nettoyage, marque de fabrique de l’entreprise, les irrégularités commençaient à apparaître. Le bal des entorses a été ouvert avec le déplacement des pierres circulaires du troc de l’ouvrage et l’obstruction du passage de 1,5 mètres de hauteur, taillé dans la base du moellon.
Les ouvriers « restaurateurs » employaient par « fidélité », pour la reconstruction, les materiaux issus de l’ouvrage romain lui même. Ils entreposaient les couches de pierre entrecoupées par un filet afin de les consolider. Mais, avant que la reconstruction n’atteigne la hauteur initiale du fier mausolée, les ouvriers décident de plier bagages. Et pour se débarrasser de la pierre restante, l’entreprise n’a pas trouvé mieux que de confier plus de 30 chargements de tracteurs à des constructeurs en mal de roche pour leurs ouvrages. Ce qui a provoqué l’ire des villageois qui ont forcé la main à l’entreprise pour les récupérer et les entreposer dans l’enceinte du site de 400 m environ.
Par ailleurs, la comparaison de deux photos du mausolée de 18 mètres de hauteur datant l’une d’avant le séisme et l’autre après la « restauration » on voit nettement l’amputation de la moitié de l’ouvrage romain et l’obstruction du passage nord-sud dans son tronc…Résultat : une enveloppe conséquente a été dépensée pour agresser sauvagement le patrimoine national et sans susciter la moindre réaction des autorités concernées…Peut-on faire cela ailleurs ?
G.M.
