C’est vers la fin des années 70, au moment où la chanson kabyle était un moyen de revendication que Meziane Attar, encore jeune scout, s’était lancé dans la lignée des chanteurs de son temps tels Lounis Ait Menguellat, Aït Meslayène, Amar Koubi, Mouloud Habib et bien d’autres. Tout comme les débutants, il commença à jouer de la guitare dans son village avec des amis. Peu à peu, la musique et surtout les paroles coulèrent dans ces veines. Après avoir appris beaucoup de choses dans le domaine de la chanson et notamment en animant des fêtes familiales (mariages et circonscription), celui qui deviendra plus tard Aghilas passa à la composition. C’est en 1983 qu’il réalisa son premier succès “Thamaghra Oughilas” connu et chanté dans toutes les fêtes en dépit de la mauvaise qualité du produit à cause du mauvais enregistrement. Chantant uniquement pour s’exprimer et parler de la société dans laquelle il vivait, ce chanteur généreux continua sa lancée en enregistrant d’autres produits.
Pour les thèmes traités, Meziane s’intéresse surtout aux problèmes sociaux (misère des gens, soucis de ses concitoyens) sans occulter le côté purement sentimental. Aghilas chanta beaucoup Thauri. Durant les années 80, il réalisa trois cassettes, “c’était les moments de joie et de paix”, nous avait-il dit lors d’un entretien qu’il nous avait accordé. Des chansons comme Twahchagh, Aâyigh, El Muth, Tavrats résonnent toujours dans les oreilles de ses fans. Mais la situation qu’a vécue le pays avec toutes les douleurs ne lui permirent plus de continuer cette œuvre. “Le cœur n’y est pas. C’est trop. On ne peut pas continuer à chanter pendant que des familles sont quotidiennement endeuillées. Je me suis consacré à autre chose dans la discrétion”, avait ajouté l’artiste. Avec le retour de la paix, Aghilas a repris le chemin des studios d’enregistrement surtout grâce aux sollicitations de ces fans. “Pendant l’été dernier, j’ai animé de nombreuses fêtes. Je suis étonné qu’après des années de rupture, le public est venu m’écouter”, nous a-t-il confié, avant de raconter cette anecdote : “Dernièrement, une vieille est venue me solliciter pour animer la circoncision de son petit-fils”. Je lui avais répondu que je ne pouvais pas. Alors, elle me rappela que je devais tenir promesse parce que lors du mariage du père, fête que j’avais animée, j’avais souhaité au marié d’avoir un garçon.
Enfin, j’ai animé cette circoncision. Notre chanteur l’a fait juste pour le plaisir. Dernièrement, Aghilas a finalement enregistré son produit après plus de quinze ans de rupture. Interrogé sur les thèmes de ce prochain CD, Meziane Aghilas nous a dit qu’il n’avait pas changé de ligne : maux sociaux, vie en société et bien sûr l’amour. D’ailleurs, il l’a intitulé : “Simal atsimghouragh thestimghour thayriw”, soit “en même temps que je grandis, mon amour grandit avec moi”. L’artiste est aux anges quand les éditeurs l’appellent pour rééditer son premier tube “Thamaghra Oughilas”. Deux tirages de
2 000 cassettes chacun ibt été déjà écoulés. Des jeunes nés en 1983, dansent aujourd’hui encore au rythme de cette chanson sans connaître son auteur. Meziane Aghilas est surpris chaque jour par ces jeunes.
En définitive, quant un produit est bien travaillé, il ne meurt jamais. Meziane Aghilas promet à ces fans que ce produit, qui sera mis en vente au printemps prochain, ne les décevra pas : au contraire, ils découvriront la maturité du chanteur qui s’est éclipsé pour ne pas blesser ces concitoyens.
Amar Ouramdane
