L’artiste honoré par les Ath Yenni

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Yennayer, ce Nouvel An berbère, coïncide avec la commémoration du décès de Brahim Izri, survenu le 3 janvier 2005.

L’association Talwit, l’APC de Beni Yenni, la direction de la Culture de Tizi Ouzou, la Dépêche de Kabylie et la BRTV ont accordé leurs instruments à la gamme de “Dachouyi” en souvenir de ce ciseleur de mélodies. Ces journées commémoratives sont rehaussées par la présence de MM Rabah Inasliyen, Slimani, Nabet et Larbi Igawawen.

Il est 10h 30 mn. Les habitants de la “maison bleue adossée à la colline” se dirigent vers l’espace culture Mouloud Mammeri. La grande salle qui les accueille est ornée de photos-souvenirs et d’articles de journaux répandant par-ci, par-là les souvenirs et les regards de l’artiste disparu, ainsi que les messages d’Aït Menguellet et les rêves d’Idir et ceux d’autres chanteurs.

L’ouverture de ces journées commémoratives est annoncée suite aux prises de paroles de M. Nacer Tabèche, maire d’Ath Yenni et M. le chef de la daïra. L’après-midi est réservée à une conférence sur le parcours et l’œuvre de Brahim Izri, animée par MM. Slimani, Rabah Inasliyen, Nabet et Larbi Igawawen. La chorale de l’association “la Ruche” offre en guise de présent à l’assistance un bouquet mielleux. Ces enfants entonnent “Amediaz”, la chanson d’Idir, écrite à la mémoire de Mouloud Mammeri. Les yeux cherchent entre les étoiles le visage de l’Algérie mon beau pays dont Slimane Azem disait : “Je t’aimerai jusqu’à’ la mort”. Les souvenirs se confondent en une brume qui monte au ciel, plus fond en larmes qui répandent, par les voix de ces enfants, “tant de pluie”, ce texte écrit par Jean Jacque Gloklman pour Idir. Cependant, ces larmes arrosent nos terres devenues arides pour permettre à de petites fleurs d’éclore et d’accueillir des abeilles porteuses de miel comme celles de “la Ruche”.

“Brahim : un homme à ne pas oublier”

Invité à prendre la parole, Nabet ne cache pas son émerveillement de la présentation des abeilles de la Ruche. Il nous invite ensuite à la découverte d’une enfance vécue avec Brahim Izri. “Nous avions le même âge que ces petits enfants (la chorale) quand nous avons commencé à gratter la guitare ; nous étions ensemble et chacun de nous apportait à l’autre ce qu’il apprenait”, a-t-il dit Nabet continue : “Brahim avait un amour ardent pour la musique : c’était sa nourriture. Il pouvait faire beaucoup plus que ce qu’il a fait, seulement les aléas de la vie l’ont empêché d’exprimer pleinement ses rêves”. Et lui de trancher : “Brahim était un homme de paix”. Puis, s’adressant à Slimani, il lui fait savoir : “Je me souviens que nous jouions vos chansons et que par respect nous n’osions pas vous approcher”. Slimane rétorque : “Quel honneur”. Dans son intervention, Slimani souligne : “Je suis plus âgé que Brahim, donc je n’ai pas eu l’honneur de travailler avec lui ; il est parti en nous laissant l’œuvre du grand artiste qu’il était. Sa mort est une grande perte pour la chanson algérienne en général et kabyle en particulier, je dis algérienne parce que Brahim brassait plusieurs modes ; il pouvait passer du folklore au chaâbi et au moderne dans la même chanson”.

Slimani n’omet pas de rendre hommage à “Talwit” et aux abeilles de “la Ruche. Se faisant, il précise : “Brahim est un homme que l’on ne doit pas oublier”. Pour sa part, Rabah Inasliyen, lance : “Je veux parler à ces petites filles (la chorale) ; j’ai rêvé de Brahim hier, avant de venir ici”. Il m’a dit : “Va ! Tu trouveras des fillettes qui chanteront ; tu leur dira de venir assister à ce genre de rencontres ; quand elles grandiront, elles auront des enfants à leur tour”, car pour Rabah, “notre société ne doit pas être une société d’hommes seulement”, voilà ce que m’a dit Brahim.

Il n’oublie pas de rendre hommage à la chorale, tout en l’invitant à ne pas se limiter à des productions de circonstances et à travailler à long terme. Et lui de renchérir : “Brahim était un ami dans le domaine musical ; nous avons eu à nous rencontrer ; il aimait et respectait tout le monde”. Continuant sur sa lancée, Rabah Inasliyen raconte pour la première fois une anecdote qu’il a vécue avec Brahim Izri. “Une fois, j’avais une semaine d’enregistrement. J’arrive le matin et je trouve Brahim qui me demande de lui céder la journée pour qu’il puisse terminer son travail. Se faisant, il me demanda de lui placer une voix dans l’une de ses chansons. Il a été émerveillé par l’exécution que je lui avais faite. J’ai su la faire car j’ai grandi dans l’ambiance des “Acewiqs” et que ce qu’il me demandait de faire était plus un accewiq qu’autre chose”.

La conférence s’élargit ensuite à un débat autour de la chanson kabyle. Pour Slimani “la zaouia est une grande école de la musique” ; Pour Rabah Inasliyen, “le travail musical moderne se repose sur l’harmonisation”. L’ensemble des conférenciers sont unanimes à reconnaître que ces grands talents existent. Cependant, le manque de moyens techniques et l’absence d’une politique de promotion des artistes font qu’ils n’arrivent pas à émerger, ce qui influe négativement sur la production artistique. La nuit était à réserver à une veillée culturelle au niveau de la zaouia de l’Hadj Belkacem, et le lendemain une fresque à l’honneur de Nabet sera inaugurée dans son village natal, à Ath Lahcène. Les journées commémoratives se sont clôturée par le dépôt d’une gerbe de fleurs sur la tombe de Brahim Izri à la zaouia d’El Hadj Belkacem.

M. S. Loucif

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