Une poétesse très sensible

Partager

La littérature n’est pas un espace accaparé par les hommes. Les femmes aussi ne cessent d’écrire depuis fort longtemps. Noailles Anna Elisabeth fait partie de ces créatrices.

Noailles Anna Élisabeth est une poétesse française née le 15 novembre 1876 à Paris où elle mourut le 30 avril 1933. Son aïeul paternel, Georges Démètre Bibesco, avait épousé Zoé Mavrocordato, fille adoptive du dernier prince de Brancovan, descendant des souverains de Valachie. Par sa mère, Raoulka Musurus, elle appartenait à une famille grecque d’origine crétoise qui avait compté des poètes et des lettrés. Paris, le Bosphore et la Savoie furent les toiles de fond de son enfance et, dès l’âge de treize ans, elle s’exerça à la versification. Tour à tour, elle subit l’influence des Parnassiens, de Musset, puis de J.-J. Rousseau, d’Heinrich Heine et, plus que tous les autres, de Victor Hugo dont le génie la subjugua. Le 18 août 1897, elle épousa le comte Mathieu de Noailles. En février 1898, ses premiers poèmes (Litanies) parurent dans La Revue de Paris et le 18 septembre 1900 elle donna le jour à un fils : Anne-Jules de Noailles. Son premier recueil de vers, Le Cour innombrable (1901), reçut un accueil enthousiaste. C’était la révélation d’un talent hors-pair, et le brillant début d’une série de volumes où, harmonieusement, s’exprime un intense amour de la nature : arbres, plantes et surtout soleil. Cette œuvre, imprégnée du panthéisme le plus ardent, allait exprimer aussi le culte de la jeunesse et des héros, avec un sens profond de la mort, la hantise de l’éternel et de l’absolu. Sous l’influence de Maurice Barrès, dont elle avait fait la connaissance en 1896 et qui fut, de sa part, l’objet d’un attachement du reste partagé, Anna de Noailles fit, dans son inspiration, plus large encore la part de l’Orient mais, de toute son âme devenue française.

Elle publia successivement les volumes de vers suivants : l’Ombre des jours (1902), qui contient la célèbre pièce intitulée Jeunesse; les Éblouissements (1907), où figurent la Prière devant le soleil, les Vivants et les Morts (1913), Les Forces éternelles (1921), où sont évoqués les champs de bataille de la Marne. Au faîte de la gloire, Anna de Noailles fut élue membre de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, et l’Académie française lui décerna le grand prix de littérature. « Mes livres, je les fais pour vous, jeunes hommes / Et j’ai laissé dedans, / Comme font les enfants qui mordent dans des pommes / La marque de mes dents », écrit entre autres la femme de lettres.

Très admirée des écrivains, des hommes politiques et des savants, elle était devenue une sorte de personnage officiel et fut la première femme à recevoir la cravate de commandeur de la Légion d’honneur. On lui doit également trois romans qui valent surtout par ce qu’ils peuvent contenir d’éléments autobiographiques : la Nouvelle espérance (1903), évocation de la vie d’une jeune femme du monde à cette époque ; le Visage émerveillé (1904), Journal d’amour d’une religieuse, qui fit scandale, et la Domination, œuvre manquée dont elle ressentit vivement l’échec. Citons encore : De la rive d’Europe à la rive d’Asie, récit d’un séjour qu’elle avait fait, enfant, en Turquie (1913), les Innocents ou la Sagesse des femmes (1923), recueil de nouvelles, et Passions et vanités (1923). A partir de 1912, la santé d’Anna de Noailles commença à s’altérer et elle quitta de moins en moins sa chambre du 40, rue Scheffer. Elle publia encore deux recueils de poèmes : le Poème de l’amour (1925) et L’Honneur de souffrir (1927), consacré à ses morts, ainsi que ses Poèmes d’enfance (1928). En 1932 parut le Livre de ma vie, éléments d’une biographie intime qui s’arrête à l’année 1896. Son corps repose au Père-Lachaise; elle fut inhumée à Publier. Un dernier recueil de poèmes fut publié après sa mort sous le titre Derniers vers et poèmes d’enfance. Au chalet d’Amphion, sur les bords du Léman, dont elle chanta les paysages, un monument fait de pierre et de verdure a été érigé par l’Association des amis du poète.

La correspondance échangée entre Anna de Noailles et Maurice Barrès ne sera pas publiée avant 1983. La poétesse Noailles Anna Élisabeth est très peu connue du grand public algérien. Peut-être qu’un jour nos éditeurs décideront de publier certaines de ses merveilles.

Y. Ch.

Partager